Restos / Bars

Nihon Sushi : Le dragon et les cerisiers

Nihon Sushi s’inscrit dans cette rare lignée d’établissements où le sushi est considéré comme un art. Pas de "insérez un nom de ville" maki ici: la cuisine est crûment audacieuse et saprément bien roulée.

"Saké!!!"

À peine arrivés, nous ne pouvons nous défaire de cette bonhomie qui se trimbale sur nos visages, Pierre, Thomas et moi. Le premier carafon bien chaud s’amène avant les gyozas, avant les rangées multicolores de poissons, d’algues et de massago.

Nous trinquons à cette journée de travail bien remplie, à ce plaisir bien simple de partager une soirée entre boys en se gavant de Japon. La chaleur du saké Hakutsuru inonde ma gorge, la douceur du papier peint orné de cerisiers attire mon regard. Le personnel est accueillant et accessible.

Bon, ça suffit. J’ai une faim de dragon.

Après m’être empiffré de gyozas aux crevettes (malheureusement trop frits), je prends ma faim au pied de la lettre et commande le maki Dragon. Ce maki renversé me renverse: garni à l’intérieur de pommes de terre sucrées en tempura, il est recouvert d’une sauce teriyaki et d’un sashimi d’escolar flambé. Le goût de beurre est vite supplanté par l’amertume prononcée du poisson brûlé, que titille le sucré de la sauce. Le Dragon disparaît dans la grotte de nos bouches en quelques instants.

Bien que le riz ne soit pas aussi collant qu’il le devrait, notre plateau de sushis ne fait pas long feu. Le tartare de langoustine au croquant de taro (racine frite) allume le mot suave dans ma tête, et le maki de pétoncles à la mangue, à la pomme et au pamplemousse rose sur feuille de soya sent l’odeur salée de la mer. Et que dire du nigiri au tartare de saumon enroulé de saumon fumé et arrosé de jus de citron? Un abus de protéines et de soleil. Le summum d’une progression des goûts parfaitement orchestrée. J’appelle cela le "tsunami de la gueule".

C’est ça, un sushi. L’harmonie. Une véritable symphonie du goût, une musique en bouche. Une musique qui ne finit plus, qui monte, et que Nihon Sushi accorde avec brio.

Nous poursuivons avec le Katana, un maki de saumon fumé à l’ancienne au fromage en tempura épicé et au tartare de langoustine parsemé de sept épices qui module mon opinion négative de l’utilisation du fromage à la crème avec le poisson. Ici, la texture a toute sa place et ajoute une onctuosité à l’ensemble, sans masquer les autres ingrédients. J’apprécie ce jeu d’équilibre, également réussi avec le maki de homard enrobé d’une mayonnaise au miel qui n’est pas envahissante, relevée juste à point par la chaleur sèche du wasabi.

Notre plateau de sushis désormais vierge, nous nous voyons incapables d’ingérer le moindre dessert. Nous décidons donc à l’unanimité d’entamer la digestion avec un ultime carafon de saké, que nous éclusons avec bonne humeur tandis que les derniers clients sortent de table.

Sur le chemin du retour, dans l’effusion de rires partagés et la réminiscence des surprenantes saveurs englouties, je me rappelle ce proverbe du Bushido, le code de conduite des samouraïs: "La vie dans chaque soupir."

Nihon, tu m’as assurément fait soupirer de bonheur – et donc vivre – jusqu’à plus faim.

Emballant /
L’originalité et l’excellence des propositions de sushis; la possibilité de commander tous les makis en format temaki (cornet).

Décevant /
Le maigre choix de sakés et le décor trop cartésien qui, hormis le papier peint qui nous renvoie l’image sereine de cerisiers japonais en fleurs, n’est pas très chaleureux.

Combien? /
Pour deux, environ 70$ pour une entrée, une dizaine de sushis et un dessert; 30$ pour le menu midi (excluant boissons, taxes et service).

Quand? /
Ouvert tous les jours pour le souper, et du mardi au vendredi pour le dîner.

Où? /
Nihon Sushi
1971, rue de Bergerville
418 687-2229
www.nihonsushi.com