"Ce à quoi on a eu droit ce soir, c’est super bandant."
Une telle réplique, ça ne s’invente pas (et ça ne fait pas trop Relais & Châteaux), mais par son franc-parler grivois, une collègue résumait bien l’expérience du Menu dégustation vécue par un groupe de journalistes de la province, réunis autour d’une table du Hatley, restaurant du Manoir Hovey. Pardonnez-la.
L’institution ouvrait grandes ses portes afin que la bonne nouvelle se répande: la salle à manger et plusieurs chambres ont fait peau neuve à la suite d’un incendie (rapidement maîtrisé). Un petit mal pour un grand bien. De nature contemporaine, les rénovations du restaurant font un clin d’oeil au passé par un agencement de tapisseries évoquant l’écorce du bouleau (en 1900, le Manoir Hovey était connu comme The Birches). Joli et de circonstance.
EXPÉRIENCE CAPITEUSE
D’autres nouveautés bonifient l’"expérience Hovey" (menu d’été au pub historique Tap Room – avec BBQ extérieur -, salle de massothérapie plus confortable…), mais c’est la "formule clé en main" du Menu dégustation qui continue de laisser les épicuriens ravis et pantois. Véritable voyage guidé dans les méandres des plaisirs gourmands, la formule des chefs Roland Ménard et Francis Wolf ne présente aucune faille, aucun coin sombre. Tout y est lumineux, mémorable.
Quant à la sélection d’alcools du sommelier Yanick Lallier servis lors du souper de presse, elle a permis des accords mets-vins pleins d’audace – on n’en attendait pas moins – qui penchaient régulièrement vers le capiteux. La palme va à un produit québécois: la Givrée d’Ardoise, un vin de glace rosé du Domaine des Côtes d’Ardoise. Le frais liquide goûte le bonbon et le pamplemousse. Il accompagnait à merveille la première assiette sucrée.
Oui, j’ai bien écrit la "première assiette sucrée", car la partie dessert en comprenait trois… Au total: huit services, la majorité entrecoupée de pinards.
SAVEURS ET PROTOCOLE
Tentons la description de ce faste repas…
En guise de mise en bouche: une mousse de foie gras relevée par le goût iodé et fumé d’oeufs de truite. Départ canon du côté oenologue avec un champagne droit et sec du Domaine de la Closerie. "Il goûte le terroir", a précisé le sommelier.
Le potage de têtes de violon (d’un vert digne du plus beau pâturage) fut ensuite servi avec un charmant protocole. Dans le bol, une bouchée de homard (c’est la saison!) et de tendres couteaux émergeaient tels de délicieux récifs.
On imagine le cube de flétan cuit lentement afin d’offrir une texture uniformément tendre et savoureuse. Pour la bouchée, on piquait avec ferveur un morceau de rhubarbe tout en ramassant au passage une des fleurs d’ail joliment disposées dans l’assiette. Scénario semblable pour le thon, légèrement saisi et assis dans une tapenade d’ail noir (une gracieuseté du généreux jardin des chefs).
Le "plat principal": de la longe de cerf saupoudrée de granules de foie gras ayant fricoté avec de la bière noire. Ce granulé, on y avait déjà goûté au dessert lors d’une visite précédente. Son utilisation n’a pas de limites et c’est tant mieux… On en prendrait sur nos toasts le matin!
La révélation sucrée fut servie aux côtés d’une craquante mousse glacée au mascarpone: un petit prisme gélatineux à l’huile d’olive. Meilleure façon d’apprécier le goût de ce liquide qui peut également relever du grand cru.
Le Hatley trône assurément au panthéon des grandes tables. À (re)découvrir.
Restaurant Le Hatley – Manoir Hovey
575, chemin Hovey, North Hatley
819 842-2421
www.manoirhovey.com