On ne peut aborder les 20 ans du Laurie Raphaël sur la forme.
La forme, on la connaît: c’est une cuisine du marché accessible qui allie l’éclatement de l’art à la finesse des saveurs. C’est un souci constant de qualité et de fraîcheur, mais surtout l’amour des produits d’ici, des produits de saison au goût vrai, au goût franc.
La forme, on la perçoit: c’est l’épuration des lignes, c’est la neutralité songeuse du blanc qui s’éprend de bleu profond et de la transparence du verre. Une tranquillité qui laisse toute sa place aux couleurs et aux arômes de l’assiette.
Non, pour aborder sincèrement les 20 ans du Laurie Raphaël, il importe de révéler ce qui se cache sur le fond.
Ce fond, c’est cette révolution amorcée il y a plus de 25 ans par des pionniers comme Daniel Vézina. Une révolution de l’approvisionnement, d’abord, qui a contribué à façonner la gastronomie québécoise d’aujourd’hui, et dont l’impact a laissé derrière lui un terroir riche en produits de haute qualité.
"Je me rappelle le milieu des années 80, où presque tous les produits distribués aux restaurants de Québec étaient surgelés ou en conserve, nous révèle M. Vézina. À cette époque, j’ai commencé à parler directement aux producteurs afin de me faire livrer des produits frais."
Des microréseaux de distribution ont alors vu le jour, permettant une relation directe, sans intermédiaire, avec les restaurateurs. Et c’est grâce à eux que le terroir québécois s’est enrichi, que la production s’est spécialisée.
"À partir de là, nous avons pu nous pencher sur l’idée d’une cuisine québécoise", souligne Daniel. Mais existe-t-elle vraiment? "Les premiers colons ont laissé derrière eux une cuisine unique, en adaptant des recettes françaises aux réalités du Québec. Ainsi, on peut se demander si les cretons ne sont pas une simple transposition des rillettes. Notre identité culinaire est culturelle, et il s’agit de réinventer nos classiques, comme le pâté chinois, en tenant compte de cette réalité et des nouvelles saveurs et techniques proposées par l’intégration de peuples provenant du monde entier. Sans jamais oublier que notre cuisine passe par l’utilisation d’ingrédients produits ici."
Au Laurie Raphaël, la cuisine est une force en constante évolution, qui change au rythme de saisons que l’on doit apprendre à respecter. Et bien que la clientèle, désormais alerte et curieuse, soit plus difficile à satisfaire, elle est plutôt perçue par le chef comme un moteur à la créativité: "Les techniques évoluent, et il faut les utiliser, en conjonction avec de nouveaux appareils sophistiqués, pour créer des textures et des alliances de saveurs qui sont impossibles à reproduire dans une cuisine domestique."
Les 20 dernières années furent une sorte d’implosion intérieure qui a permis aux cuisiniers de s’affirmer et de créer une cuisine bien de chez nous, avec des produits reconnus comme le porc, l’érable, le fromage et le cidre.
Et demain? "Ce qui nous reste à construire à Québec, c’est une culture où le repas, où la bouffe occupe la place centrale de l’expérience de restauration, au sein d’une ambiance qui la complète et non l’inverse. Il faut continuer à manger local, à dorer nos menus de produits de saison frais en conjuguant le wow d’une texture déstabilisante au goût réconfortant et authentique d’un produit non transformé."
Laurie Raphaël
117, rue Dalhousie
418 692-4555
www.laurieraphael.com