Samedi soir chaud, humide et fébrile dans le Vieux-Port, alors qu’un obscur groupe heavy métal californien s’apprête à faire frémir les Plaines. Belle idée de David: nous sommes venus souper en vélo. Bon pour la forme et pour le stationnement, moins pour l’antisudorifique, rudement mis à l’épreuve. Mais voilà que l’accueil que nous recevons sur la terrasse de L’Échaudé nous refroidit d’un coup. Pas impoli, mais loin d’être aimable. On s’excuse presque de déranger.
Nous nous réfugions à l’intérieur, question de profiter d’un repas en climat tempéré. Rien n’a changé dans le petit local: toujours ces boiseries qui contrastent avec le beige des murs, ces miroirs qui trompent l’oeil, cet imposant bar. Et ce brouhaha qui fait le charme de ce bistro raffiné. Justement, mangerai-je bistro ou du marché? C’est qu’il y a une carte pour chaque catégorie. Dans la première, des tartares, un confit de canard, du boudin noir, un steak-frites, une bavette, du foie de veau.
Dans la seconde, de l’agneau confit, des farfalles à l’esturgeon noir fumé de l’île d’Orléans, des joues de veau braisées, une poêlée de pétoncles… Je pigerai dans les deux, tiens.
Tirée du menu bistro, ma nage de poissons et mollusques dans un court-bouillon au homard n’est rien de moins qu’impeccable. Y flottent de gros morceaux de poisson et plusieurs moules, le tout chapeauté d’une coquille de pétoncle contenant son mollusque et son corail, chose rare. Une véritable explosion de saveurs marines en bouche. En complément, une rouille onctueuse, du parmesan râpé et quelques croûtons. David interrompt ma transe en m’offrant une bouchée de son carpaccio de saumon mariné au cari, servi avec une rafraîchissante salade de concombre au yogourt. Les tranches sont charnues, fondantes, bien assaisonnées: ça commence en force.
Malheureusement, les choses se gâtent au plat principal, malgré un excellent sancerre Gérard Boulay aux saveurs de pamplemousse et de pomme verte, choisi dans la tout aussi excellente carte des vins. Un bon mariage avec mon poisson du jour, un doré sauce à la crème au pamplemousse… dont on cherche en vain le goût d’agrume. Le poisson lui-même est bien cuit, croustillant côté peau, mais il est complètement imprégné de la saveur des poivrons rouges qui composent en partie la julienne de légumes sur laquelle il est posé. Quant au parfum de basilic de ladite julienne, il brille par son absence. Le plat de David souffre lui aussi de diverses faiblesses. Mais commençons par le positif: le homard poêlé est cuit à la perfection, et on n’a pas été chiche sur la portion. Sauf que. Servir du homard avec une purée de pommes de terre génère en bouche une texture très désagréable, pâteuse, sans contrastes. La dent, en quête de quelque chose à croquer, reste sur sa faim. Le foie gras qui complète le plat a visiblement été poêlé trop longtemps: ni charnu ni fondant, il est dépourvu d’onctuosité.
Au dernier service, je remonte vers un délicieux sommet grâce à mon palet glacé au mascarpone et à l’amaretto, dont le biscuit aux épices s’avère tout simplement jouissif. David, lui, est victime d’un mauvais karma. Il fulmine devant son supposé clafoutis à la griotte, un petit gâteau sec qui n’a rien de l’humidité et de la légèreté de cet entremets limousin voisin du flan. Meilleure chance la prochaine fois, chéri.
Emballant /
La possibilité de choisir entre deux types de cuisine; la carte des vins, impressionnante et riche, mais contenant des propositions accessibles.
Décevant /
Des saveurs qui manquent d’éclat, des textures qui se marient parfois mal.
Combien? /
Pour trois services, pour deux personnes, 95$ le soir, 45$ le midi (excluant boissons, taxes et pourboire).
Quand? /
Ouvert tous les jours midi et soir. Brunchs la fin de semaine jusqu’à 14h.
Où? /
L’Échaudé
73, rue du Sault-au-Matelot
418 692-1299
www.echaude.com