Une fraîche brise s’immisce au Largo Resto-Club par ses grandes fenêtres ouvertes sur la nuit tombée. Je me tiens au balcon arrière, près de l’imposante banquette rouge qui serpente son chemin vers les autres clients empreints d’insouciance, une coupe de vin à la main.
L’art des lieux me séduit encore: un hétéroclite mélange de peintures brouillonnes où l’on a laissé pleurer certaines couleurs en longues larmes étirées. La superficialité et le bling-bling ne sont certes pas au rendez-vous, ici. L’oeil est ravi partout où il se pose.
Je m’affaire à une contemplation soutenue du menu, n’y prenant congé qu’à une seule occasion pour complimenter le bleu salin du regard de mon invitée. La plage de ses joues en rougit instantanément.
Dès l’abord du menu, les propositions semblent avoir perdu de leur originalité d’antan: cuisse de canard, bavette de boeuf et carré de porc, tartares, filet de truite. Et puis s’y engoncent des choix qui ne cadrent pas parfaitement: linguine carbonara, curry de poulet et salade tiède de crevettes.
Vive devant l’apparente indécision qui cerne nos sourcils, notre serveuse nous propose divers choix de sa carte des vins simple, judicieuse, sans chichi ni flafla. Nous optons pour un vin d’Italie, un Baglio di Pianetto qui viendra soutenir mon côté carnivore avec sa syrah tout en conservant la personnalité réservée du merlot, tout en rondeur, pour le poisson de la demoiselle.
Le magret de canard façon tataki d’Éva se révèle coriace mais goûteux. Nous nous questionnons cependant sur son compagnon, des lamelles d’abricots confits saupoudrées de curcuma, dont le sucre envahit trop les autres goûts. Une subtile bille par tranche de magret aurait été suffisante. Mon carpaccio de bison, lui, souffre d’une présentation terne avec une laitue romaine fade et d’un parmesan préémietté qui a perdu de sa caractéristique saveur d’umami.
Lorsque débarque le filet de truite d’Éva (légèrement trop sec sous la dent), son accompagnement, une salsa d’ananas et de tomates, me bombarde de félicité visuelle et gustative. C’est coloré, à la fois piquant et croquant, on a réussi à bien doser le sucre de l’ananas en le choisissant pas tout à fait mûr, ce qui bonifie de beaucoup l’équilibre de l’ensemble. Je pioche des bouts d’ananas dans l’assiette de ma voisine en me régalant de mon filet mignon sur le gril, bien saignant et tendre comme on le recherche, marié d’une sauce au foie gras où le sucré-salé s’agence en parfaits extrêmes. La purée de carottes et les lentilles, un peu croquantes, ajoutent un brio à la texture du plat.
Je sirote ensuite mon espresso serré et mon parfait aux framboises, presque buvable tant il est aérien. Une délicatesse que nous retrouvons également dans le panna cotta de demoiselle Éva, monté d’un flan au caramel onctueux et de bleuets frais.
L’air frisquet de l’extérieur se fait plus insistant. Nous profitons quand même de notre mutuelle compagnie et d’une ultime coupe de vin tandis que, dehors, les silhouettes s’effritent pour nous offrir l’intimité d’un décor plus que propice aux échanges.
Emballant /
L’atmosphère de détente qui se dégage du restaurant, lorsque l’on s’y tient près de la fenêtre ou au fond, près du piano.
Décevant /
L’équilibre de l’assaisonnement et de la recherche de textures de certains plats.
Combien? /
Le soir, 75$ pour deux personnes, incluant une entrée, un plat principal et un dessert (excluant boissons, taxes et pourboire). Le midi, 40$ pour deux en table d’hôte.
Quand? /
Du lundi au vendredi, de 11h30 à 23h. Samedi et dimanche de 10h à 23h.
Où? /
Largo Resto-Club
634, rue Saint-Joseph Est
418 529-3111
www.largorestoclub.ca