Le jour se lève à peine que la cueilleuse Sylvie Valcourt pose les pieds hors du lit. Elle profite des premières lueurs de l’aube pour se balader en pleine nature afin de récolter des morilles, des marguerites blanches et de la salicorne. Le soir même, des clients du restaurant Chez Saint-Pierre, au village du Bic dans le Bas-Saint-Laurent, se régaleront de ces denrées sauvages. La collaboration entre cette femme et la chef Colombe St-Pierre dure depuis huit ans. "Je livre au restaurant chaque jour. Les champignons sont nettoyés de façon à passer directement dans la poêle", explique l’autodidacte qui, déjà à 12 ans, s’adonnait à la cueillette de champignons dans son Abitibi natale. L’appel de la nature aura été plus fort que celui du travail de bureau auquel se destinait cette géographe de formation. "Étant mon propre patron, je suis libre d’organiser mes horaires, je contemple des paysages fantastiques et le travail n’est pas monotone, car il y aura toujours de nouvelles plantes à découvrir."
Pour Benoit Lenglet, chef du restaurant Au Cinquième Péché à Montréal, la collaboration avec le cueilleur François Lamontagne, qui est à la tête de la société Les Saveurs sauvages, n’a pas de prix: "Je suis privilégié d’avoir accès à des aliments rares et de participer à la valorisation de trésors d’ici. Il y a deux ans, j’ai par exemple découvert l’argousier, un petit fruit acidulé à partir duquel j’ai créé un dessert aux endives", confie le chef.
Hors des sentiers battus
Véritable appel des grands espaces, le métier de cueilleur attire de plus en plus. "Ce sont des jeunes dans la vingtaine ou alors des gens qui ont pris leur retraite et qui y voient une deuxième carrière", explique Gérald Le Gal, cueilleur de longue date qui précise qu’il faut avant tout un amour inconditionnel de la nature pour pratiquer ce métier. Car, bien que les revenus soient intéressants – un cueilleur qui a quelques années d’expérience peut toucher 400$ par jour dans de bonnes conditions -, l’appât du gain ne constitue pas une motivation suffisante: "Il s’agit d’un métier imprévisible et exigeant. Il y a les mouches, les aléas de la météo et des périodes où les récoltes sont maigres. Pour un cueilleur qui fait dans la variété, la saison commence dès la fin avril et se termine aux premières neiges. Une journée peut compter jusqu’à 10 heures de travail en forêt, dans les champs ou sur les rivages", prévient l’homme qui forme des cueilleurs.
Il a fondé, il y a près de 20 ans, l’entreprise Gourmet sauvage qui commercialise environ 75 produits issus de la cueillette sauvage, comme de la moutarde aux champignons et du vinaigre au thé du Labrador. L’homme approvisionne de prestigieux restaurants montréalais en gousses d’asclépiades et autres pousses de sapin. Il est aussi cofondateur de l’Association pour la commercialisation des champignons forestiers (ACCHF) et anime l’émission Coureurs des bois à Télé-Québec.
Gérald Le Gal estime que le Québec compte environ 1000 cueilleurs, mais déplore le manque d’encadrement de la profession. Il travaille en collaboration avec différents ministères en vue d’établir des certifications pour corriger cette lacune. "Trop de gens s’improvisent cueilleurs et ne respectent pas les produits ni l’environnement, lance-t-il. Il est impératif d’éviter les endroits pollués comme les abords des routes et de faire attention aux espèces menacées de disparaître."
Devenir cueilleur
Pour ceux qui désirent suivre les traces de ces coureurs des bois, Gérald Le Gal conseille de s’adresser à une entreprise comme la sienne, membre de l’ACCHF qui a mis sur pied une formation théorique et pratique de quatre à six jours reconnue par le ministère de l’Éducation. À travers le Québec, 24 formateurs accrédités donnent ce cours qui aborde plusieurs facettes du métier comme l’éthique, l’identification, la sécurité en forêt, la manutention et le transport ainsi que la traçabilité et la salubrité. Le Cégep de Saint-Félicien propose aussi depuis le printemps dernier une attestation d’études collégiales appelée Gestion et services de produits fins: spécialisation en cueillette et traitement des champignons forestiers. Cette formation de 195 heures dresse un portrait complet du métier en abordant même le potentiel culinaire des champignons. À vos paniers!
Carnet d’adresses /
Chez Saint-Pierre: 129, rue du Mont-Saint-Louis, Le Bic, 418 736-5051, www.chezstpierre.ca
Les Saveurs sauvages: 450 839-2047
Gourmet sauvage: 450 229-3277, www.gourmetsauvage.ca
Au Cinquième Péché: 4475, rue Saint-Denis, Montréal, 514 286-0123, www.aucinquiemepeche.com
ACCHF: 2405, rue de la Terrasse, Québec, www.acchf.ca
Cégep de Saint-Félicien: 1105, boulevard Hamel, Saint-Félicien, 1 800 419-5151