L’automne retient encore ses premiers sanglots, mais dehors, il a déjà déployé tout son potentiel de langueur monotone et d’autres clichés poétiques du genre. Quoi de mieux pour réchauffer les coeurs qu’une cuisine qui pointe au sud, à l’ouest ou à l’extrême est, bref, n’importe où ailleurs qu’ici?
Nous voici donc au Batifol, l’original, à Lac-Beauport (l’autre est à Sainte-Foy), portés par des envies de plats familiers. Il y a bien les moules à volonté qui me tentent. Mais c’est déjà la Belgique dehors: laissons-la derrière les fenêtres. Sinon, le serveur nous annonce que les fajitas sont aussi servies à volonté ce soir. Les débuts de semaine au Batifol sont décidément généreux!
Sophie hésite. Les nems de canard, elle connaît bien. Et elle aime. Elle lorgne du côté du tata-cio de filet de boeuf au gingembre et parmesan (sorte de tataki tranché façon carpaccio), mais surprise, elle ramollit de bonheur à l’idée de laisser doucement couler dans sa gorge une Brise du matin au miel de trèfle et noisettes (un double brie fondant). Après? Elle hésite encore. Mais notre serveur, dans le genre honnête, lui déconseille quelques éléments du menu et l’oriente vers d’autres plats qu’elle ignore finalement pour laisser ses papilles voguer vers la péninsule indienne. Poulet au beurre, ce sera. De mon côté, j’ai des envies de surf and turf en deux temps. J’y vais pour un tartare de thon albacore en entrée suivi d’un filet mignon au Saint-André et à la moutarde de Meaux.
Nous avons à peine le temps de jeter un oeil au décor moderne, où domine le bois, que nos rafraîchissements arrivent. Une Chipie de chez Archibald pour moi et un verre de Chocalan rosé pour Sophie qui veut sans doute ainsi étirer un peu l’été.
Les entrées surgissent presque aussitôt. Mon tartare est superbement présenté, parfaitement équilibré au goût: la mangue et la coriandre ne masquent pas le poisson aux saveurs en demi-teintes. Sophie est moins enthousiaste que moi. Son brie est servi dans un plat un peu trop grand, si bien qu’il se prélasse en coulisses qui s’étendent de tous côtés. Les noisettes se font trop discrètes, le miel aussi, mais l’ensemble est sympa.
Ceci annonce donc un peu cela. Le poulet au beurre sera bon, mais sans jamais atteindre la complexité des parfums qu’on connaît à ce plat. La cardamome est là, mais elle domine seule. Quant aux papadums qui l’accompagnent, ils sont délicieux, mais leur texture qui manque de croquant laisse deviner qu’ils ont bientôt atteint la fin de leur vie utile. Heureusement, le curry de carottes qui les surmonte est splendide.
De mon côté, la surabondance de moutarde sur mon filet mignon écrase le goût de la viande et celui du Saint-André. Je retire le fromage à moitié fondu, enlève les deux tiers de la moutarde: c’est mieux. Enfin, je goûte la viande, saignante comme je la souhaitais, sa qualité indéniable. En accompagnement, les légumes souffrent d’avoir été beaucoup trop cuits, mais le gratin dauphinois se défend bien, à condition d’en aimer la neutralité crémeuse. C’est mon cas.
La pluie a pris une pause. Nous engloutissons quelques bouchées de desserts remplis de promesses à moitié tenues (la tarte au sucre est trop froide, la glace qui l’accompagne est cristallisée, le gâteau aux trois chocolats s’en tire mieux) et nous retournons à la dure réalité d’un été qui, comme d’habitude, nous quitte bien trop tôt.
Emballant /
Les nombreux spéciaux en début de semaine, dont un qui propose une bouteille de vin gratuite à l’achat de deux tables d’hôte. On aime aussi la variété du menu, la carte des vins abordable.
Décevant /
La confection inégale des plats, parfois bâclée. Un peu plus d’assaisonnements (herbes fraîches, épices) ne ferait pas de tort.
Combien? /
Le midi, deux tables d’hôte incluant entrée, dessert et café pour environ 30$. Le soir, pour 14$ d’extra, tous les plats à la carte se transforment en table d’hôte, pour une moyenne d’environ 75$ pour deux, avant taxes et pourboire.
Quand? /
Dès 7h30 tous les jours.
Où? /
Le Batifol
995, boul. du Lac, Lac-Beauport
418 841-0414
www.lebatifol.com