Restos / Bars

Aviatic : Haute voltige

Le chef de l’Aviatic est un maître ès harmonies, un vrai. Rarement a-t-on connu de plus parfaites unions de saveurs et de textures que celles qu’il propose au gré d’une carte inventive, qui ne cesse d’impressionner.

Je l’avoue d’emblée: ça faisait longtemps que j’avais passé d’aussi bons moments à table que lors de mon récent souper à l’Aviatic. Un repas sans fausse note, émaillé de surprises à vous jeter en bas de votre chaise, digne des plus grands restos de la ville – ambiance décontractée en prime.

Tout a commencé avec un cocktail, le Ginger spirit (vodka, Navan, porto, fraises, gingembre). Un petit bijou au sucre bien dosé, qui vous fait tourner la tête de plaisir en une gorgée… J’en aurais bu quatre, mais j’ai préféré piger dans la cinquantaine de vins au verre, une rareté à Québec. Pour débuter, un riesling Cave de Hunawihr (grand cru Rosacker, Alsace, 2008), et un chardonnay-pinot noir Boschendal 1685 (Afrique du Sud, 2009) pour David.

Notre meilleur coup de la soirée: demander conseil à la gentille serveuse, prolixe en suggestions avisées et en détails de conception. Elle connaissait son menu de fond en comble – une autre rareté! Ses recommandations nous ont transportés dans les hautes sphères du délice, au fil de nos cinq plats à partager (qualifiés d' »entrées généreuses »).

Sous des éventails de bois activés par un mécanisme, nous avons d’abord dégusté un tataki de boeuf saisi sous croûte de sésame, avec mayo au miso, purées de poivron et de coriandre, beurre de cajou et salade d’enoki, radis et fèves germées à l’huile de truffe. « Il faut prendre un peu de tout dans la même bouchée », nous a spécifié la serveuse. Résultat: un mariage comme il ne s’en fait pas. J’ai quand même goûté à tout séparément, et effectivement, chaque élément ne trouvait sa plénitude qu’en union avec les autres.

Nous avons enchaîné avec un classique italien judicieusement « déconstruit »: tomates et bocconcini. Rien à voir avec ce qu’on a beaucoup mangé ces derniers étés. Ici, deux tranches de tomate enrobées de poudre de pistaches, balsamique réduit à l’état de pâte, huile aux herbes et, clou de l’assiette, espuma de bocconcini (à la texture de crème fouettée) garnie d’un crumble de parmesan. Jean-François Houde et sa brigade voulaient me faire mourir, c’est sûr.

Mais il fallait que je vive pour goûter à la pieuvre marinée, cuite sous vide puis poêlée, dont la texture ne manquait pas d’étonner agréablement. Dépourvue de « rebondissant », la chair rappelait presque celle du porc, en plus dense. En accompagnement, une ratatouille et une mousseuse au chorizo, aérienne comme un rêve. Encore une fois, textures et saveurs formaient la plus solide des alliances en bouche.

Nous sommes restés sur notre nuage avec le pavé de bar noir mariné et rôti au miso, d’un beau doré en surface, servi avec une décadente sauce aux prunes et à la mélisse qui évoquait le sucré du sirop d’érable. Pour compléter l’harmonie: une savoureuse anguille fumée à chaud, des mini-bok choy, une purée de pommes de terre au wasabi bien crémeuse et un champignon King Eryngii, dont la queue est plus grosse que la tête, nous a informé la serveuse. (Non, je ne ferai pas de blague de mauvais goût.)

J’ai entamé mon verre de Montsant (Janis « Pegre », 2008) avec le cheddar Perron deux ans caramélisé, qui s’entendait comme larrons en foire avec le beurre de pomme, la gelée de whisky (très concentrée!), la réduction de balsamique au café et le craquelin aux noix et raisins secs.

Croyez-le ou non, nous avons cédé à l’appel d’un dessert, convaincus qu’il serait à la hauteur du repas. L’instinct ne trompe pas. Ce financier aux amandes, chaud et illégalement moelleux, faisait des étincelles avec la glace au rhum et raisin. « On reviendra, hein? » m’a demandé David. Y a de ces évidences qui ne nécessitent pas de réponse.

Emballant /
L’harmonie absolument parfaite des saveurs et des textures, l’utilisation habile du moléculaire, les magnifiques présentations.

Décevant /
Il faudrait plus de craquelins avec le cheddar caramélisé (eh non, je n’ai rien trouvé de pire).

Combien? /
Pour deux personnes, 45$ le midi, 100$ le soir (excluant boissons, taxes et pourboire).

Quand? /
En semaine dès 11h30, samedi et dimanche dès 17h.

Où? /
Aviatic
450, rue de la Gare-du-Palais
Québec
418 522-3555
www.aviatic.ca