C’est un intéressant objet que voilà. L’univers gourmand de Jean-Luc Boulay. 35 ans de plaisir et de passion partagés au Saint-Amour, signé Anne-Louise Desjardins, compte une centaine de recettes, mais aussi des textes joliment ficelés qui nous font entrer dans la bulle du chef originaire de la Loire, en France. On découvre un homme passionné mais de nature timide, initié tôt aux joies de la cuisine et du jardinage. Un chef respecté, curieux, toujours en quête de nouveauté et de perfectionnement, qui ne jure que par le mentorat. Puis, on pénètre dans les cuisines bouillonnantes du Saint-Amour, dans l’intimité des soupers dominicaux en famille et dans les profondeurs de la forêt.
"Ça faisait cinq ans que je voulais faire un livre, mais divers événements m’en empêchaient, raconte Jean-Luc Boulay. Et j’hésitais à propos de la formule… Je voulais faire un livre des recettes du Saint-Amour, mais les gens auraient trouvé ça trop difficile. Je voulais aussi faire un livre sur le foie gras au Québec, un autre sur des recettes faciles à préparer quand tu es dans la forêt, pour les chasseurs et les pêcheurs comme moi. Ces idées sont devenues des chapitres d’un seul livre qui peut servir de référence pour toutes sortes de gens. Il y a des recettes faciles, d’autres difficiles, des accords mets-vin, des trucs et des astuces [notamment sur la façon de débiter et de conserver un animal fraîchement chassé]… C’est complet."
L’entreprise a demandé du temps et… de la confiance. "Juste faire les photos des recettes avec André-Olivier Lyra, ça a pris un mois et demi! Mais ça ne m’inquiétait pas d’être absent du resto pendant si longtemps, car depuis quelques années, j’ai une super brigade. Je savais que le Saint-Amour était entre très bonnes mains", rapporte le plus sévère des juges à l’émission Les chefs!
Si l’ouvrage contient quelques recettes classées une toque (faciles), la réalisation de la plupart des plats nécessitera expérience et habileté. "J’ai entre autres mis plusieurs mets que je fais depuis les débuts du resto et que la clientèle réclame encore, comme le filet de bison au fromage bleu et le "Blanc et rouge" [homard et pétoncles en croûte de corail]." Il est loin, le temps où les chefs protégeaient jalousement le secret de leurs recettes à succès. "Aujourd’hui, on veut que la gastronomie se répande, se perpétue. Ce n’est pas en la cachant qu’on va la faire évoluer. De toute façon, ce qui fait la différence dans une recette, c’est la technique, l’art d’assaisonner, de goûter…"
Et les produits, bien sûr. On connaît l’importance que M. Boulay accorde à leur qualité. "Ça a progressé tellement vite! Quand je suis arrivé au Québec en 1976, il y avait une dizaine de fromages faits ici; aujourd’hui, il y en a environ 350. Même chose pour les herbes, les légumes, les fruits, la viande. Le seul travail qui reste à faire, c’est du côté des produits de la mer. On utilise beaucoup le homard, le saumon, le pétoncle et la crevette, mais dans le Saint-Laurent, il y a aussi de l’anguille, de l’oursin, des couteaux de mer, du crabe commun et du maquereau, un poisson qui gagne vraiment à être connu."
Le chef est d’ailleurs ravi de la curiosité des Québécois, le peuple ayant le plus évolué en matière de gastronomie, selon lui. Ils seront d’ailleurs sûrement nombreux à vouloir découvrir la cuisine nordique du bistro que M. Boulay ouvrira au printemps, rue Saint-Jean, avec Arnaud Marchand, finaliste des Chefs! 2010. "Je veux qu’on s’assume comme pays nordique. On a énormément de produits inexploités de la forêt boréale que je veux travailler en plats simples et accessibles: gros gibier, poissons de la baie de Fundy, thé du Labrador, petits fruits sauvages…" Matière à un second bouquin, peut-être.
Anne-Louise Desjardins
L’univers gourmand de Jean-Luc Boulay. 35 ans de plaisir et de passion partagés au Saint-Amour
Éd. Transcontinental, 2011, 247 p.