Restos / Bars

Le Champlain : Ô temps, suspends ton vol

Dans le cocon agréablement suranné du restaurant Le Champlain, il fait bon laisser tranquillement s’écouler une soirée d’hiver – encore mieux, pendant les Fêtes. Ici, on ne fait pas que vous souhaiter paix et bonheur: on vous les  offre.

Musique jazz, lumières tamisées, conversations étouffées par les moquettes et les tapisseries, délicats tintements de vaisselle: l’ambiance feutrée du Champlain, au Château Frontenac, sied parfaitement à un souper de la fin décembre. Parfois, un fumet de viande grillée flirte avec nos narines en émoi avant de s’élever jusqu’au plafond orné de fleurs de lys, de griffons, de lions et de roses: des serveurs en costume d’époque préparent des chateaubriands au guéridon, à une table tout près. Dans cette bulle hors du temps, la frénésie moderne est refoulée aux portes. Consulter son téléphone intelligent relève presque de l’anachronisme, et on aime ça.

Bien calée dans mon large et confortable fauteuil, sous un immense lustre de billes, je me désole brièvement que nous n’ayons pas pu obtenir une table dans la verrière, question d’observer le fleuve faire son chemin dans la nuit. Tant pis. Je n’en aurai que plus l’occasion d’admirer mon amoureux, qui referme son menu d’un geste décidé. Le serveur revient pour la quatrième fois; je me force à arrêter mon choix parmi les plats qui oscillent entre classiques français et cuisine régionale.

Un demi-maki se matérialise devant nous en guise de mise en bouche. Étonnant… et décevant, puisqu’il s’avère des plus anodins, avec fromage à la crème et… sans poisson. Ce travers sera vite oublié lorsque je goûterai à mon superposé de crabe des neiges, poireaux et concombre à l’huile de cari. Les légumes en petits dés mélangés à de la chair de crabe effilochée sont cerclés de beaux gros morceaux de crustacé ainsi que d’une pince encore sous carapace. C’est frais, c’est doux, le cari prend sa juste place… J’ai une pensée furtive pour l’été, mais je reporte vite mon attention sur David, qui est près de terminer ses rouleaux de printemps. Ils sont frits, garnis de vermicelles de riz et de généreux morceaux de langoustine, et escortés de divins pleurotes du Québec à la crème d’ail. J’ai à peine le temps d’en choper une bouchée.

La soupe qui suit, aux pois verts et poireaux, avec garniture de homard, morilles et lardons fumés, ravit moins. L’idée semblait bonne sur papier, mais dans le bol, les goûts se perdent. Et ça manque d’assaisonnement. Pour nous remettre en train, un rafraîchissant granité de framboise et cardamome, excellent et bien équilibré.

Au service suivant, notre vin (côtes-du-rhône Domaine Guy Mousset 2008) trouvera enfin des amis avec qui s’accorder. Pour moi, deux mignons de veau séparés par une julienne de panais et une purée de rattes aux herbes. L’un est couvert d’une glace au jus de veau et de fromage Migneron, l’autre d’une stupéfiante crème de morilles qu’on mangerait à la cuiller. En matière de sauces, Jean Soulard brille toujours. La viande aurait cependant pu être plus saignante. Pour David, une côte de biche indécemment tendre et savoureuse, baignant dans une sauce bordelaise bien serrée qui achève d’enchanter les papilles. En accompagnement, la même purée, et une figue fraîche farcie au roquefort, dont les saveurs s’épousent sans heurt. Splendide!

Un dessert serait de trop, mais la tentation de me faire préparer une sucrerie au guéridon l’emporte. Le serveur me détourne de mon envie de cerises jubilées en me vantant les mérites des bananes Foster (au caramel, flambées au rhum), qu’il cuisinera devant nous en discutant de ses restos préférés à Québec. De notre côté, ce repas fera sans conteste partie de nos bons moments de 2011.

Emballant /
La cohabitation réussie du traditionnel et du contemporain, autant dans le menu, la carte des vins que le service.

Décevant /
Le banal sushi servi en mise en bouche. On s’attend à mieux dans un établissement du calibre du Champlain.

Combien? /
Pour deux personnes, pour trois services, 160$ le soir (excluant boissons, taxes et pourboire).

Quand? /
Tous les soirs dès 18h. Brunch le dimanche.

Où? /
Le Champlain
1, rue des Carrières
Québec
418 266-3905
www.fairmont.com/fr/frontenac