Je m’assois au Bistango le sourire aux lèvres, contente de renouer avec ce resto que j’ai beaucoup fréquenté avec mes parents, dont c’était l’un des favoris. Les souvenirs que j’en garde n’ont pas perdu de leur lustre. Soit, je comprends toujours mal quelle ligne directrice guide la déco, qui combine tables classiques (double nappe, argenterie massive, fauteuils moelleux) et éléments contemporains (murs gris-noir, colonnes lumineuses, tableaux colorés). Mais peu importe, je suis ici pour manger.
Justement, David et moi, on meurt de faim. Le cône-corbeille à pain en a pâti, après qu’on eut longtemps tergiversé devant le menu. La table d’hôte était aguichante, avec son jarret d’agneau braisé au jus de griottes et son filet de castagnole. La carte m’a fait les yeux doux avec sa crème brûlée au bleu et figues, sa côte de veau de lait grillée aux portobellos, pleurotes et brie. Elle a gagné, mais grâce à d’autres plats.
D’abord, un tian de crabe, costaud pour une entrée, format millefeuille. Une belle présentation. La chair du crustacé, aucunement dénaturée, habilement effilochée, est surmontée de guacamole savoureux et de suprêmes d’agrumes. Ça se mange tout seul, même si l’acidité des agrumes neutralise un peu le goût du crabe. David, qui a fini d’écluser sa Alexander Keith’s rousse, attaque sa poutine au foie gras et vieux cheddar, pour laquelle il entretenait un désir intense. Ce sera sa déception de la soirée: les frites allumettes utilisées sont excellentes en solo, mais s’amollissent en un clin d’oeil sous la trop abondante sauce crémée à base de fond de volaille. Le foie gras poêlé est de belle tenue, mais son alliance avec le vieux cheddar est peu convaincante.
Heureusement, son plat principal le catapulte pas loin du septième ciel. Il s’agit d’un pavé d’escolar qu’il a pigé dans le menu spécial Québec exquis. Le poisson s’acoquine à merveille avec une rémoulade de betteraves d’un croquant remarquable, du fromage de chèvre et un beurre au vin blanc, en l’occurrence la Réserve du bout de l’île du Vignoble Sainte-Pétronille. Dessous, des mange-tout et des asperges parfaitement cuits. À l’oeil, l’assiette ravit, avec son agencement de violet, de vert et de blanc. En bouche, l’enchantement se poursuit. Il ne faut cependant pas abuser du chèvre, qui masque la saveur tout en finesse de l’escolar. Je m’amuse aussi follement avec mon risotto au homard et pétoncle au parfum de sauternes. Quelle harmonie magnifique engendre cette sauce aux accents liquoreux avec la chair du homard et du pétoncle grillé! Les notes d’agrumes de mon sauvignon blanc (Oyster Bay) viennent juste assez couper dans le sucre. La faiblesse du plat: le risotto, trop cuit. Les grains sont mous, mal liés. Mais bon, je me donne tout entière côté mer, et j’ai de quoi me mettre sous la dent – un homard complet, paraît-il.
S’avouant impressionné par notre appétit, le serveur, sympathique et blagueur, apporte nos desserts. Pour moi, une tartelette un peu sèche aux poires caramélisées et nougat, que je délaisse vite au profit du petit chef-d’oeuvre qui trône devant David: le "Dôme au caramel", soit une crème brûlée au poivre du Sichuan dissimulée sous une coque de caramel salé, posée sur un palet royal et escortée d’une mousse de chocolat. C’est fin, délicat, étonnamment peu sucré. On en mangerait quatre. Je me contenterai plutôt de finir l’excellent vin de dessert (Vendanges tardives, Inniskillin, Ontario) que je me suis commandé, question de célébrer ces heureuses retrouvailles.
Emballant /
Les poissons et les fruits de mer, superbement apprêtés.
Décevant /
Un manque de précision dans la cuisson du risotto et dans l’équilibre de certaines saveurs.
Combien? /
Pour deux personnes, pour trois services, 95$ le soir et 40$ le midi (excluant boissons, taxes et pourboire).
Quand? /
Dès 7h tous les jours sauf le samedi (ouvert le soir seulement). Brunchs le dimanche.
Où? /
Le Bistango
1200, av. Germain-des-Prés
Québec
418 658-8780
www.lebistango.com