Critique : La Crémaillère
Loin des expérimentations parfois tape-à-l’œil des restos dernier cri, La Crémaillère joue la carte de la tradition et de la constance pour gagner la loyauté de ses clients. Le tartare de bœuf nous y ramènera d’ailleurs à coup sûr.
Karine et moi oublions illico la tempête qui fait rage quand nous passons la porte de cette vieille maison chaleureuse, à la moquette moelleuse, aux tables élégamment nappées, aux murs crème ornés de caissons, de larges moulures et d’œuvres d’art. Seconde dose de chaleur dans l’accueil, cordial, juste assez bavard. Puis, nous finissons de nous ragaillardir en plongeant dans la carte, qui allie classiques de la cuisine française et italienne: côte de veau, carré d’agneau, pâtes, fruits de mer…
Proprio et maître d’hôtel viennent tour à tour nous saluer, voire nous féliciter d’avoir bravé les éléments. Nous sommes peu à avoir eu ce courage, comme en témoignent les nombreuses tables désertes. Voilà qu’arrive la mise en bouche: un tartare d’aubergines garni de tomates concassées et d’une huile aux herbes. Très réussi. Puis suivent nos entrées, un gâteau de crabe et un tartare de saumon à la façon de Jacques Le Pluart. Le premier abrite, sous une panure craquante, une chair effilochée tout en délicatesse, sans sécheresse, dont le goût tient le haut du pavé, comme on le souhaite. Le tartare, garni de ciboulette et lui aussi très délicat, est emmitouflé dans une mince tranche de gravlax de saumon; textures et saveurs se complètent avec finesse.
Pour faire grimper encore notre température, deux soupes: une marmite du pêcheur (avec gruyère, rouille et croûtons) et un velouté de l’Île-du-Prince-Édouard (à base de tomates, safran et moules). Mais il faut se garder de la place pour les protagonistes du repas. Bardé de bacon pour un traitement anti-dessèchement, mon râble de lapin est savoureux et parfaitement rosé, mais le risotto aux champignons sur lequel il est posé fait piètre figure: sec, pâteux, avare de fromage et de vin. Une sauce aux baies de genièvre et des betteraves complètent ce plat qui, bien que très bon, se fait éclipser par le tartare de bœuf, assurément l’un des meilleurs que nous ayons mangés. Il a été préparé à notre table par un serveur nouvellement promu à cette tâche sacrée – on ne rigole pas avec les spécialités. La recrue a réussi sa mission en dosant savamment les ingrédients, si bien que l’ensemble est parfaitement lié et justement relevé (après approbation préalable de Karine). Pas d’excès de câpres ni de cornichons non plus, et une chair d’une tendreté exceptionnelle, légèrement hachée à la fourchette sans rien perdre de son tonus. En complément, des frites minces et dorées et une salade verte.
Un dessert après tout ça? Puisqu’il le faut… On alternera ici entre tradition et innovation, avec un succulent nougat glacé aux fruits confits et aux noix, ainsi qu’une crème brûlée au poivron rouge servie avec une verrine de fraises à la menthe. Et la tradition l’emporte.
Emballant /
Une cuisine classique bien exécutée, un service avenant et professionnel, une foisonnante carte des vins.
Décevant /
Le risotto.
Combien?/
Pour deux personnes, pour trois services, environ 110$ le soir, 40$ le midi (excluant boissons, taxes et pourboire).
Quand? /
Le soir du lundi au samedi. Le midi du mardi au vendredi.
Où? /
La Crémaillère
73, rue Sainte-Anne, Québec
418 692-2216