Chez Boulay
Quand le mercure chute, entraînant notre humeur dans son sillage, certains ne pensent qu’à s’emmitoufler dans une couverture devant le foyer. Moi, c’est immanquable, j’ai le goût d’aller Chez Boulay. L’ambiance animée me requinque, alors que la cuisine boréale me réconcilie avec la nordicité et ses merveilles.
Vendredi soir. Nous sommes six assoiffés et affamés impatients de contrer le froid en se gâtant par l’estomac. La vaste salle de Chez Boulay, où de nombreuses touches de noir et de bois contrebalancent le blanc nordique des murs briquetés, est pleine à craquer. Galants, les garçons nous laissent la banquette, qui court sous de grands miroirs annonçant les plats du jour. Le serveur est déjà prêt à nous ravitailler en alcool, présage de sa présence constante et appréciée tout au long du repas – le sommelier aussi s’avérera de fort bon conseil. On nous apporte rapidement de surprenants cocktails «boréalisés» grâce à du jus de rhubarbe, du gin Ungava, des baies de sureau ou du thé du Labrador.
Anne et Joe ont les yeux qui pétillent devant leur planche de charcuteries terre et mer. Je les comprends, il y a là matière à organiser toute une fête au palais: saucisson, rillettes de porc, magret d’oie mariné au poivre des dunes, terrine de gibier, rillettes d’aiglefin, cubes de saumon fumé, bonbon de crevettes nordiques, crevettes rémoulade… David, lui, découvre la finesse et le moelleux de sa terrine de foie gras du Canard goulu au brandy de pommes Michel Jodoin. Béné, elle, se réchauffe avec sa soupe à l’oignon. Quant à Jacques et moi, nous restons perplexes après notre première cuillérée de bisque de homard, servie avec mousse de pétoncles et jus de moules. Le bouillon brun foncé est extrêmement salé. Et plutôt décevant.
Un pinot noir australien (Massale, Kooyong) prend la relève d’un de ses semblables de l’Oregon (Montebruno). Avant d’attaquer mon plat, je picore de la fourchette dans les poêles de fonte des autres, goûtant ici au duo de boudins, là au faisan. J’ai un solide béguin pour les gros pétoncles sur lesquels flotte une écume à la Tomme des Joyeux Fromagers, ainsi que pour l’épaule d’agneau confite servie avec une tatin de courges aux épices boréales. Mais je réserve vite mes égards à ma joue de bison, fondante comme un rêve, délicatement parfumée par le vinaigre de gadelle rouge dans lequel elle a lentement braisé. La purée de céleri-rave est légère, et les morceaux de céleri confit apportent un contrepoids acide intéressant. Est-ce la racine de céleri sauvage, utilisée râpée en remplacement du sel, qui déséquilibre la sauce? Elle souffre du même problème que la bisque… Idem pour la poêlée de champignons en accompagnement. Pas de doute, il faudra revoir ces assaisonnements.
Les desserts, eux, ne pèchent pas du tout par excès de sucre, témoignant d’une belle maîtrise. Éclair à l’érable, surprise de chocolat au cœur fondant de camerise, tarte tatin aux pommes et mousse au sapin baumier (un gros wow!): on adore tout, tellement qu’on se force à ralentir la cadence de nos bouchées, question d’étirer ces petits bonheurs.
Emballant /
Une cuisine bistro différente, réjouissante, réconfortante. Une carte des vins comptant plusieurs belles propositions accessibles. Des brunchs à découvrir.
Décevant /
L’excès de sel – ou de son succédané – dans certains plats. Mais ce problème, qui ne remet pas en question la maîtrise technique en cuisine, est probablement passager.
Combien? /
Pour trois services, pour deux personnes, 90$ le soir, 45$ le midi (excluant boissons, taxes et pourboire).
Quand? /
Tous les soirs, le midi en semaine, brunchs le week-end.
Où? /
Chez Boulay
1110, rue Saint-Jean, Québec
418 380-8166