Les ouvertures les plus marquantes de 2014
Alors qu’un nombre impressionnant d’institutions trentenaires (on pense au Continental, au Latini, au Globe, au Paris Beurre…) ont tiré leur révérence cette année, une dizaine d’établissements prometteurs entrent dans la danse. Cap sur certains d’entre eux.
Shinji (1726, rue Notre-Dame Ouest) – Janvier
Avec un nom comme Shinji, qui est celui du chef, le rapprochement avec sushi se fait très rapidement. Les sashimis, nigiris et autres makis ne constituent pas l’offre gastronomique principale de ce chef exceptionnel, bien qu’ils le soient eux aussi. Fortement inspiré par le washoku, philosophie culinaire prônant l’équilibre nutritionnel et l’harmonie esthétique à table, il réussit à vous faire atteindre cet état de totale transe gustative que tout gastronome qui se respecte recherche à chacune de ses visites au restaurant.
Le Serpent (257, rue Prince) – Janvier
Petit frère du Club Chasse et Pêche et du restaurant Le Filet, Le Serpent flirte avec une interprétation très dégourdie de la cuisine italienne. Cette dernière, concoctée par le chef Michele Mercuri, est contemporaine, à l’image de la Fonderie Darling, haut lieu d’arts visuels où Le Serpent a élu domicile. En finale, les desserts exceptionnels de la pâtissière Masami Waki valent à eux seuls le détour ainsi que les boîtes à lunch pour emporter.
Manitoba (271, rue Saint-Zotique Ouest) – Avril
Tel un ovni dans l’univers de la restauration montréalaise, Manitoba est installé dans un coin paumé, le peu connu secteur Marconi-Alexandra (ou Mile-Ex, pour les intimes) à mi-chemin entre le Marché Jean-Talon et l’avenue du Parc. Dans ce duplex anonyme, la salle est superbe, décorée de bois et agrémentée d’une immense porte de garage ouverte l’été. De plus, la cuisine sort carrément de l’ordinaire. D’inspiration boréale mâtinée de saveurs autochtones, elle offre des plats surprenants et délicieux.
Mesón (345, rue Villeray) – Avril
La réputée chef du Tapeo, Marie-Fleur St-Pierre, est à la barre d’un deuxième restaurant dans Villeray. Alors qu’au Tapeo elle donne une twist nord-américaine aux tapas, au Mesón, c’est le contraire: elle donne une twist ibérique à des plats nord-américains. Curiosité: on y sert des cocas, un genre de pizza catalane, qui se dégustent aussi bien en entrée partagée qu’en plat solo. Pour vivre une expérience hors des sentiers battus, dans un décor contemporain des plus réussis.
Laurea (381, avenue Laurier Ouest) – Août
Disons-le tout de suite: le jeune chef Hakim Chajar compte déjà parmi les meilleurs chefs au Québec. Sa cuisine est à la fois inventive et très respectueuse des conventions établies dans les hautes sphères de la cuisine moderne (pour ne pas dire moderniste). La salle à manger, avec une section avec toit ouvrant pour les belles soirées étoilées, est une belle réussite pour les deux composantes essentielles; l’esthétique et le bien-être.
Notkins (1101, rue Bleury) – Septembre
Les bars à huîtres fleurissent à Montréal. En voici un à l’architecture tout à fait spectaculaire où se mêlent formes brutes, poutres métalliques et immenses vitres. Notez la mezzannine et ses bancs suspendus, qui accueille les événements privés. Notkins porte le nom du fondateur de l’Oysterfest, un spécialiste de ce délicieux mollusque. On y retrouve donc toutes sortes de variétés venues des côtes est et ouest de l’Amérique du nord. Pour accompagner ce festin, une carte des vins bien construite, diversifiée, assure des accords mets-vins efficaces.
Top 3: choix éditoriaux
1- Avec l’engouement actuel pour tout ce qui a trait aux brunchs, on peut parfois devenir un peu irrité par ce repas qui se veut après tout réconfortant. C’est l’ambiance familiale qui m’a conquise au Ma’tine (1310, boul. De Maisonneuve E.). De mignons petits détails sur le menu comme la limonade «pour adultes», à la proprio qui trimbale son bébé contre elle dans toutes ses tâches (la conciliation travail-famille aura rarement été si attendrissante). Bien qu’il se trouve hors de mon circuit habituel, c’est l’un des rares endroits pour lesquels je n’hésiterai pas à me déplacer.
2- Le défi de donner un second souffle au feu Souvenirs d’Indochine en mariant le savoir-faire traditionnel de Monsieur Hà à la vigueur d’une nouvelle génération de partenaires était ambitieux – certains disaient même naïf –, mais le Hà (243, av. du Mont-Royal E.) semble bel et bien l’avoir relevé. On y trouve des classiques sud-asiatiques authentiques rafraîchis au goût du jour. J’ai été particulièrement séduite par les pork buns teints à l’encre de seiche noire et leur bière blonde Bia Hoi, spécialement brassée pour eux par Boréale.
3- Après s’être initialement appuyé sur la notoriété de Charles-Antoine Crête, le Majestique (4105, boul. Saint-Laurent) s’est bâti une identité bien à lui. L’ancien diner au chaleureux décor éclectique semble seoir à tous les contextes. Qu’on se sente festif ou casanier, il fait constamment bon de s’y attabler. Un menu qui, bien que bref, est composé de valeurs sûres et bien exécutées et une carte des vins variée et variable, sur laquelle on est savamment conseillé. Mais on y va surtout pour ses huîtres de la plus haute qualité, toujours fraîches et ouvertes par de charmants écailleurs. Une adresse qui m’a réconciliée avec ce secteur de la Main. (Noémie C. Adrien, chef de section Voir la vie)
Je me désole, pour ma part, de la fermeture prochaine (ce dimanche) de la Taverne Magnan, un haut-lieu montréalais. Magnan, où j’ai tristement célébré mon repas d’adieu hier soir, en me gavant d’un rôti de boeuf d’anthologie. Pas sophistiqué certes. Aucune chance d’y être surpris, mais cet endroit était unique et tous les non-autochtones que j’ai invités là étaient emballés. Du vrai Montréal!
Je tiens qu’on mangeait un meilleur boeuf chez Magnan que, par exemple chez Peter Luger, la légendaire steak-house de Brooklyn, beaucoup plus chère, et certainement pas plus mauvais qu’à la « queue de cheval » en son temps.
Une bien triste disparition. Je ne vois pas d’équivalent à Magnan, où que ce soit, alors que la plupart des restaurants montréalais sont tout à fait interchangeables. Un appauvrissement pour la cité, sans aucun doute…