Bird Bar : du poulet frit sur son 37
«Poulet et bulles», c’est le concept que propose ce nouveau resto de Griffintown spécialisé en poulet frit. Audacieux. Et forcément, ça rend curieux…
On l’attendait avec impatience, ce temple du poulet frit. Prévue pour mi-mai, l’ouverture du Bird Bar a finalement eu lieu fin novembre. À l’initiative de ce resto, Kimberly Lallouz, anciennement chez Miss Prêt-à-Manger et Monsieur, et fan de poulet frit depuis toujours. Son objectif: proposer ce «cheap meal» sous des formes variées et gourmandes, mais qui restent santé. Un resto consacré à ce plat, grand classique sudiste, c’est quand même osé. Mais dans l’univers concurrentiel qu’est le milieu de la restauration montréalaise, mieux vaut avoir un concept bien à soi. Alors se spécialiser dans le poulet frit, pourquoi pas…
Le resto est plein en ce dimanche soir, d’une clientèle jeune, hipster et apprêtée – mieux vaut réserver. Si c’est le poulet frit est le genre de plat qu’on mange habituellement en pyjama et sur le canapé, on le fait ici sur une banquette de velours vert émeraude ou devant le comptoir de marbre, en buvant dans un verre à pied. Le décor est superbe, mais on est un peu surpris par cette atmosphère tamisée et chic: c’est quand même fancy pour du poulet frit! Le service est à la hauteur de cette élégante salle, efficace et attentionné. On amènerait presque une date au Bird Bar… – bien que la conversation soit rendue difficile par le niveau sonore de la musique.
Place au menu. Là, légère déception: un petit encadré seulement est consacré au poulet, tandis que la majeure partie de la carte propose des «petits plats», «grands plats» et «manger du jardin». Duo de champignons, salade césar, tacos de bœuf… Certes, il y en a pour tous les goûts, et même du sans gluten et du végane. Mais on s’attendait à plus de poulet, et surtout à ce que l’oiseau soit mis au centre du menu de ce Bird Bar – ici, on dirait presque une option. En attendant la volaille, on goûte à quelques «petits plats».
Comfort food sur belles assiettes
D’abord, des boulettes de mac and cheese sauce marinara, et un pogo. Ces plats tout simples sont ici un peu twistés, le mac and cheese étant fourré dans des croquettes panées tandis que la brochette de saucisse (au wagyu) est relevée d’un chutney de tomates et d’une sauce Dijon, avec des jalapenos marinés. C’est bon, mais sans plus. Ensuite, l’étagé de tomates («manger du jardin») nous déçoit carrément: la mozzarella en croûte de panko et la roquette n’arrivent pas à rehausser les tomates, qui manquent singulièrement de goût. Dans ces plats, beaucoup de mise en forme pour peu de fond – et de sel.
On poursuit cependant avec de délicieux choux de Bruxelles sautés avec pommes de terre et bacon. La sauce sucrée-salée est à point, et le légume est joliment mis en avant. Enfin, on passe au fameux poulet. On choisit le nombre de morceaux et les accompagnements (frites, salade, melon et feta…), et on opte pour la (ou les) sauce(s), parmi plus d’une dizaine de choix – on a vraiment adoré la gravey truffe blanche, crémeuse et goûteuse à souhait. Le poulet est quant à lui une réussite: pas huileux ni trop gras, chapelure craquante, viande tendre et cuite à point.
Lors d’une entrevue en avril dernier, Kimberly Lallouz nous avait exposé son projet dans les détails, évoquant son envie de proposer un poulet frit plus santé. La volaille cuisinée au Bird Bar est en effet élevée en liberté à la Ferme des Voltigeurs et nourrie aux grains végétaux, et le système de cuisson permet de réduire jusqu’à 60% du gras de la friture. Pour du poulet frit, c’est du bon, et on sent que Kimberly s’y connaît en la matière. Le menu gagnerait d’ailleurs peut-être à se recentrer plus sur ce plat phare, en limitant les autres options de «comfort food rendue fancy», pas toujours bien maîtrisées.
La reine du poulet frit
Le resto suggère donc d’accompagner son poulet à un verre de vin mousseux – en effet, le côté frais des bulles vient casser le gras des plats, et l’accord marche bien. Dommage cependant que la sélection des champagnes et mousseux proposée ne soit pas plus développée – on retrouve surtout les noms commerciaux, Moët, Mumm et compagnie. Pour un resto «poulet et bulles», on se serait attendu à une carte originale et diversifiée… C’est en tout cas le cas de celle des cocktails, qui offre de nombreux choix.
Malgré la réduction de gras dans la friture du poulet, on a du mal à se dire qu’on arrivera à terminer un dessert, entre les brownie, crumble et autres fondant au chocolat… Le choix est donc fait pour un yogourt au lait de bufflonne, agrémenté de fruits et graines de tournesol rôties, tout en fraîcheur et qui passe délicieusement bien.
On quitte Griffintown en retenant que oui, Kimberly Lallouz est la reine incontestée du poulet frit. On aurait bien mangé notre cuisse chapelurée avec les doigts, mais dans l’écrin élégant du Bird Bar, on n’a pas osé… Car le décalage est là, entre l’endroit chic et les bulles versus la cuisine qui se veut simple et familiale (avec malgré tout une présentation des assiettes rehaussée pour montrer qu’on peut manger un pogo pendant un rendez-vous galant). Finalement, on ne sait pas trop si la chef a voulu surprendre en associant les extrêmes, ou si elle n’a simplement pas osé faire un vrai resto de comfort-food assumée… En tout cas, le poulet est bon.
Bird Bar
1800, rue Notre-Dame Ouest – Montréal
514 938-4343