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Portrait de chef : Joe Mercuri, l’incandescent

En plus de cuisiner tous les soirs au Mercuri, il est le chef exécutif des adresses Houston Bar & Grill. Fantaisiste et créatif, Joe Mercuri a réinventé le concept de la cuisine en chaîne de restos…

« Mes racines italiennes, elles se sentent dans la philosophie du local, du produit de saison. Mais le goût dans ma cuisine, c’est Montréal. » Joe Mercuri se définit « comme la fleur de lys » : il est né ici mais avec des origines d’ailleurs. Formé à la Pearson School of Culinary Arts (PSCA), à Lasalle, il commence sa carrière au restaurant Mediterranéo, avant de devenir chef au Lucca et sous-chef au Cube.

Cheveux longs et bandana sur le front, le chef montréalais aux allures de rockeur devient vite une tête connue dans le milieu. Il enchaîne : après avoir été chef de cuisine chez Rosalie, il devient chef et copropriétaire avec sa conjointe du Brontë, le resto de l’Hôtel Meridien Versailles. Ouvert jusqu’en 2010, le Brontë est d’ailleurs nommé meilleur nouveau restaurant au Canada par le magazine EnRoute. Bref, les chaînes de restaurants, très peu pour lui… Jusqu’en 2012.

« J’ai un fils de douze ans, et c’est avec lui que j’ai commencé à aller dans des chaînes, pour des partys de fête par exemple », raconte le chef. Il se laisse alors tenter par l’offre du groupe Houston Bar & Grill, qui lui propose de devenir chef exécutif de ses 11 adresses au Québec et en Ontario – à la condition cependant de changer la philosophie en cuisine. Petit à petit, il ramène le produit de provenance locale au centre, insistant sur l’importance de suivre les saisons.

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« Manger d’abord avec les yeux »

« Avant dans les Houston, tout était déjà prêt. On achetait des calmars déjà pannés et on les mettait dans la friteuse, confie Joe. Le plus difficile, ça a été le sel : personne n’en mettait, avec ces produits déjà préparés et salés. Ça a été un grand défi, mais les chefs sont ravis. » Il a fallu environ un an et demi pour mettre en place tous ces changements, et aujourd’hui rien n’est acheté ou congelé sinon le produit, et tout est fait maison.

S’il s’agit toujours d’une chaîne, le concept a été un peu revu pour laisser aux chefs de chaque adresse un peu plus de latitude : ils peuvent en effet personnaliser le menu de la table d’hôte, qui change toutes les deux semaines. Cette possibilité de mettre leur touche personnelle est plutôt rare dans l’industrie des chaînes. Une fois par mois, Joe Mercuri fait la tournée de ses 11 adresses – et en profite pour manger son plat préféré, le poulet épicé à la lime.

L’ambiance des Houston confère une atmosphère de restos de chaîne (déco noir et rouge, serveuses en mini-jupes, écrans de télé), mais la cuisine s’en démarque. Les plats sont plus recherchés, avec un twist contemporain, mais restent riches et réconfortants (cf. la délicieuse et originale trempette d’épinards, fromagée à souhait). Et le bœuf? Vraiment bon, associé à une cuisson bien maîtrisée. La carte des vins est simple mais efficace. Bref, du Brontë à la chaîne, Joe Mercuri sait faire le grand écart entre les standards – en gardant ses mêmes valeurs.

Son objectif pour cette année est de faire évoluer encore la cuisine du Houston Bar & Grill : amener plus de produits du Québec, comme des pétoncles, de l’agneau du Québec, etc. En attendant, il créé aussi les menus signature, où il laisse aller son côté créatif et fantaisiste. « Ma philosophie lorsque je cuisine : il faut manger d’abord avec les yeux, puis avec les papilles, indique le chef. J’aime mettre des goûts différents ensemble, y aller sans les réfléchir. »

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Autour du foyer au Mercuri

Cette créativité, c’est un peu la marque de sa cuisine au Mercuri, le resto qu’il a ouvert en février 2014 près du Vieux-Port. Car s’il gère les 11 établissements Houston, il est dans sa cuisine tous les soirs. « Je n’ai pas l’impression de travailler pour autant. J’adore ça, c’est ma passion… » Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ça se sent dans l’assiette : la présentation est extrêmement soignée, les accords de saveurs sont surprenants et les plats variés.

On peut goûter aussi bien à un tataki de morue sauce basilic qu’à un rack de côtes levées qu’on dévore avec les doigts. À des papardelles au lapin qu’à des dumplings truffe-fromage bleu ou à des pétoncles sauce barbecue. Des alliances aux antipodes qu’on savoure avec étonnement. « Il y a un peu d’influences italiennes, mais aussi des goûts asiatiques, et d’ailleurs dans le monde. Bref, c’est du Mercuri », explique Christian Bisson pour définir la cuisine.

Le sommelier, qui a notamment travaillé au Rosalie comme Joe, offre ici une belle carte des vins sans bévue avec des classiques (Villard, Bouzereau, Ornellaia), mais aussi de belles découvertes (Schiopetto, Simon Bize, Gulfi). S’il y a quelques références du Nouveau-Monde, l’emphase est bien mise sur l’Italie et la France. Une carte qui ne doit pas éclipser le bar à cocktails, d’où on vous sort sans hésitation un mélange sur-mesure…

DJ et ambiance tamisée

Et l’ambiance ? Moderne et soignée, comme la cuisine. Une DJ assure la musique aux platines, et le service est très pro tout en étant rieur et convivial. La salle mêle un côté brut à une élégance sobre, les briques et poutres côtoyant cuisine (semi-)ouverte et long foyer à bois ; sur le feu cuisent en effet une vingtaine de côtes levées à la vue des clients alléchés. Dynamique, le chef Joe va voir des clients, se promène entre le foyer et la cuisine.

Le Mercuri est avant tout un endroit chaleureux, entre la musique juste présente comme il faut, l’éclairage tamisé, les bougies sur les tables et le stock de bûches au fond de la salle prêt à alimenter l’énorme foyer. Le feu, c’est l’élément de Joe, qui aime faire monter le mercure ; quand il faisait le traiteur sur des événements, il amenait toujours du charbon avec lui. « J’aime beaucoup le bois, les légumes dans le feu ; je les travaille comme des viandes, explique le chef. J’adore utiliser le feu… »

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