Fisun Ercan : la gastronomie ambassadrice
Immigrée au Québec il y a une trentaine d’années, Fisun Ercan s’est lancée dans une deuxième carrière: la cuisine. La chef du Barbounya et du Su a ainsi initié les Montréalais à une culture culinaire encore peu connue…
VOIR: Quel est votre rapport à la cuisine?
Fisun Ercan: Je viens de la côte ouest de la Turquie, d’une petite famille qui aime bien manger. La cuisine a toujours été le centre de ma vie et j’ai appris très jeune à cuisiner avec ma mère et ma grand-mère. J’ai toujours adoré cuisiner, c’est quelque chose d’important dans ma vie! J’aime bien aussi voyager ou sortir pour manger. Quand je me suis retrouvée éloignée de ma famille et de ma cuisine natale, j’ai commencé à cuisiner encore plus…
Comment êtes-vous devenue chef?
Je n’avais jamais pensé que ce serait un métier pour moi. Il y a 30 ans, il n’y avait peu ou pas de femmes chefs; en tout cas, dans mon coin, ça n’existait pas. J’étais informaticienne avant! Et j’aime faire découvrir de nouvelles saveurs, autant que j’aime en découvrir tous les jours. C’est ça qui m’a amenée à me lancer dans la cuisine professionnelle: je voulais aller plus loin. Et quand on arrive à un certain âge, on veut faire ce qui nous tient à cœur. Mes amis m’ont beaucoup encouragée à me lancer dans ma passion.
Et vous avez décidé de vous lancer dans la gastronomie turque…
Oui. Quand je suis arrivée au Québec, en 1998, personne ne connaissait la cuisine turque. C’est pourtant une des plus grandes cuisines du monde. Il y a sept grandes régions dans le pays, avec chacune leur gastronomie propre. Je voulais faire découvrir un peu de ça. Mais ça n’a pas été facile…
Comment ça?
Tout le monde nous disait de ne pas le faire. «Tu devrais plutôt faire de la cuisine méditerranéenne, ou un resto de grillades, ça, les gens connaissent…» Et au début, tout était dur! Avant, je travaillais dans un bureau, et là, c’était un travail physique. Il n’y avait pas d’horaire, pas de congé, pas de fin de semaine, pas de sortie au cinéma ou au théâtre. Je travaillais de soir, et six jours par semaine.
Quelles idées fausses les Québécois ont-ils sur la cuisine turque?
Le thé à la menthe! Les clients en demandent souvent, alors que ce n’est pas turc du tout. Et le kebab, le plus grand cliché sur la cuisine turque… Pendant au moins deux ans, on a dû expliquer aux clients comment on mangeait les mezzés, ces plats à partager. Il faut décrypter les cuisines pour les clients, surtout la cuisine turque, qu’ils confondent avec la grecque, la marocaine ou la libanaise.
Vous avez remarqué une évolution dans les mentalités depuis?
Oui, il y a eu un changement, un bon changement. Les médias sociaux, notamment, ont beaucoup aidé. Les gens aiment de plus en plus explorer les cuisines de l’étranger… Maintenant, à Montréal, on peut manger toutes sortes de cuisines de toutes sortes de façons. Je trouve les clients plus curieux, ils posent beaucoup de questions; pas juste sur la cuisine, mais aussi sur l’histoire turque, la langue, la culture… Aujourd’hui, les clients en savent plus, j’ai quand même aidé à la connaissance de la gastronomie turque au Québec!