Portrait de chef : Matthieu Gralepois
Ce chef français a quitté Montréal pour la quiétude de Val-David, où il officie à la cuisine du Baril roulant. Et sans regrets aucuns.
VOIR : Comment es-tu venu à la cuisine?
Matthieu Gralepois : J’ai découvert la restauration pendant mes études. La fac ne me convenait pas vraiment, alors je suis allé travailler dans un resto. À Montréal, je suis passé par Sur Bleury et Boris Bistro, avant d’arriver au Baril roulant il y a un an.
Pourquoi le choix de Val-David?
On a découvert ce village et on a beaucoup aimé. Avec trois enfants, la ville ne me tentait plus. On se disait qu’on serait mieux à la campagne, et ça se révèle tout à fait vrai! C’est très agréable, aussi bien pour la vie de famille que pour le boulot.
Parle-nous un peu du Baril roulant…
Ç’a commencé avec un pub au cœur du village, puis une brasserie s’est ajoutée. Au restaurant, la carte est établie depuis un bout de temps, mais on la change petit à petit – sauf les classiques, comme la sauce BBQ maison au café! On va mettre en place une ardoise pour que la créativité des cuisiniers puisse mieux s’exprimer, pour dynamiser notre offre.
On travaille avec des produits locaux bien faits. C’est un des plaisirs d’être en région: on est beaucoup plus proches des producteurs. On a des plats divers et variés, parfois un peu fancy – les burgers sont faits avec du bison ou du cerf par exemple, et nos poutines avec des patates au four.
Quels sont les enjeux d’être dans un coin touristique?
C’est impressionnant comme le village se remplit le week-end! Un des principaux défis, c’est de gérer l’énorme variation entre l’été où on peut faire 300 couverts dans la journée et les 40 couverts quotidiens en hiver. Ça fait des pauses, mais faut naviguer avec ça!
Quelle est la différence par rapport à la ville?
C’est vraiment deux types de clientèle. Ici, elle est pas mal plus relaxe, ouverte à prendre son temps. L’ambiance est familiale et détendue. Beaucoup de gens sont ici pour faire du plein air et viennent au resto pour se reposer et échanger. On met en avant le partage, le plaisir d’être ensemble.
Il y a une très belle offre culinaire à Val-David, mais assez diverse pour ne pas se marcher sur les pieds. C’est aussi plus facile de trouver de la main-d’œuvre, je pense. À chaque fois qu’on a cherché quelqu’un, on a trouvé rapidement. J’ai l’impression que les gens sont plus flexibles ici.
La gastronomie québécoise pour toi, c’est quoi?
C’est une cuisine pas encore figée. Moi, avec mon apprentissage français et classique, je découvre beaucoup. On tente plus ici, y a pas ce côté sous cloche comme en France, où on est un peu freiné par rapport à la créativité. Ici, les gens sont super ouverts à la découverte, donc je peux tenter des choses. Et il y a un dynamisme de fou autour des produits, c’est très exaltant.
Ton style de cuisine, en quelques mots?
Je viens de la côte ouest en France; j’aime vraiment tout ce qui est produit de la mer. Mais mon style se définit petit à petit. Là, je suis un peu comme un enfant, je découvre tout le temps! Je veux rester dans la continuité de ce que fait le producteur: ne pas pervertir son produit, mais plutôt le sublimer.
Tes trucs pour rester en forme, avec ce métier très exigeant?
Travailler moins! En ce moment, je fais 20 à 25 heures par semaine. Et j’habite à 5 minutes du resto. Mes dernières saisons à Montréal ont été très intenses pour moi physiquement et aussi pour ma famille. J’ai été extrêmement soutenu par ma femme, mais il faut aussi savoir trouver un équilibre.
Un producteur dont tu aimerais souligner le travail?
Question difficile! Je suis un grand fan de légumes, alors je dirais Mathieu Roy, de la Récolte de la Rouge. C’est un producteur de légumes bios de Brébeuf. J’adore ses topinambours! En purée, rôtis, bouillis… Il fait aussi de très bonnes courges, et des radis super que je sers en salade. Je suis allé le rencontrer avec mes enfants et il était très accueillant et ouvert; pour les chefs, c’est plus facile de relayer la passion comme ça.
Le plus bel avantage d’être chef?
C’est un métier à la frontière entre l’artisanat et l’art. On a l’option d’être créatif et de faire quelque chose de concret de ses mains, d’avoir le sentiment de servir à quelque chose. Je pense que j’amène plus à la société qu’un trader.
On a la possibilité de transmettre aussi. Mon gros cheval de bataille, c’est de montrer aux enfants qu’on peut bien manger. L’éducation se fait à la maison, mais aussi à l’extérieur. On doit donc donner envie de cuisiner aux parents, leur montrer comment utiliser les produits pour contribuer à l’éducation alimentaire des enfants. Et, évidemment, donner du plaisir…