Lesley Chesterman passe à table
On a rencontré Lesley Chesterman pour prendre le café et clore le long repas qu’aura été sa carrière, alors qu’elle venait de rendre son tablier à The Montreal Gazette après 20 ans passés à chroniquer sur la scène de la restauration locale. Entretien avec une critique gastronomique à la plume aussi affûtée que son coup de fourchette…
C’est un adieu au journalisme gastronomique?
Non, juste à la critique de restaurants. Je ne sais pas si mon éditeur va me remplacer… Si c’est le cas, ça sera dans un format plus réduit. En tout cas, ça va être difficile de trouver quelqu’un d’aussi passionné que moi! Depuis très jeune, je suis obsédée par le fait de manger, de chercher ce qui est délicieux… C’est super quand on est obsédé par quelque chose et qu’on peut le transformer en métier. J’ai commencé à 31 ans et j’ai vécu pleinement la vie de critique; je n’ai pas gagné beaucoup d’argent, mais j’ai fait ce métier par passion. Seulement, après 20 ans, j’ai senti que j’avais fait le tour; j’ai dû faire au moins cinq critiques du Toqué!, je ne sais pas combien du Laloux… À un moment, j’évitais les restaurants italiens parce que c’était toujours la même chose, entre l’osso buco, les pâtes et le tiramisu!
Mais aujourd’hui, j’ai tellement d’informations sur l’alimentation que je vais rester dans ce domaine et continuer à écrire. Peut-être un livre… Je suis fascinée par le vin, j’ai suivi des cours et je pensais à un moment faire un livre d’éducation. On va tellement loin quand on parle de vin, alors que la plupart des gens n’y connaissent rien! J’aime aussi l’idée d’écrire quelque chose pour aider les gens à cuisiner par eux-mêmes. Ça, ça m’intéresse beaucoup plus que de parler des égoïstes de chefs.
Parlons des chefs, justement…
Ils ont trop tenu les critiques pour acquises, et ils vont nous perdre un par un. Les restaurants vont trouver d’autres moyens de faire leur publicité, bien sûr, mais on les aidait quand même énormément. Quand je réfléchis à ce qui m’a fait arrêter la critique, l’attitude des restaurateurs et des chefs est vraiment une raison majeure. Je me suis tellement fait harceler par ces gens pendant 20 ans… Quand ils n’aimaient pas ce que j’écrivais, certains ont essayé de détruire ma réputation et de me faire virer. Je trouve ça pourri. Il faut un respect mutuel; parfois, ce respect n’était plus là. J’ai toujours été une fille tough, mais avec l’âge, j’ai moins de tolérance.
Les chefs ne savent pas s’ils veulent des critiques ou non: ils sont très contents quand il y a de beaux papiers sur eux, mais si ce n’est pas le cas, le programme d’annihilation démarre pour dire que le critique est mauvais. J’ai vu des restaurateurs détester certains critiques, mais dès qu’ils faisaient un bon papier sur eux, ils le postaient fièrement sur leur page Facebook. Tellement hypocrite! Mais bon, quand tu penses que tu fais tout bien et que quelqu’un entre pour te dire que tu fais tout mal, c’est sûr que ça blesse…
J’ai fait beaucoup de ballet dans le passé, et là-bas, tout ce qu’ils faisaient, c’était critiquer. Il n’y a jamais rien de bon avec les profs de ballet. Mais c’est comme ça qu’on s’améliore! En cuisine, ça devrait être ça aussi. Pourquoi un jeune chef de 28 ans voudrait 4 étoiles? C’est le sommet, après tu peux juste descendre. Quand les gens m’engueulaient sur une note que je leur avais donnée, j’avais envie de répondre: «Peut-être que tu devrais sortir plus au restaurant pour voir le niveau ailleurs, ou juste goûter à ton propre menu dégustation beaucoup trop long et copieux…» Mais je ne termine pas amère pour autant. Les chefs, je les mets de côté; surtout qu’il y en a quelques-uns à Montréal qui devraient être en prison.
Vous avez commencé comme chef, après un cours de cuisine à l’ITHQ. Vous cuisinez encore beaucoup?
Sans arrêt, je vois ça comme une thérapie. J’ai toujours été en cuisine. J’essaie d’y impliquer mes enfants, de faire des accords de vins avec mon chum, et on invite beaucoup de gens à souper. Tout se passe dans la cuisine chez moi! Y a des critiques dont je me demande s’ils cuisinent… Ils aiment un resto parce que c’est beau ou branché, mais au final, on va dans un restaurant pour bien manger, pour être surpris et épaté. Je crois que si on ne cuisine pas, on est épaté avec peu. Un critique de musique n’a pas besoin d’être dans un orchestre, mais il doit au moins savoir lire la musique. Pourquoi c’est bon? C’est ça la dimension que ça prend – et qui manque un peu parfois…
En 20 ans, comment avez-vous vu évoluer la restauration à Montréal?
Ça a beaucoup changé. Quand j’ai commencé, la plupart des restaurants étaient français et italiens. J’ai vu le début de la «cuisine ethnique», à savoir ce qui sort de la cuisine européenne. Ça a commencé à arriver dans les restaurants plus chers – avant à la Gazette, il y avait un critique attitré pour les restaurants pas chers, que moi je ne faisais pas. Aujourd’hui, on commence à voir que toutes les cuisines ont du potentiel, tant qu’on a les bons ingrédients et quelqu’un qui sait s’y faire.
J’ai vu le début de la mode du comfort food il y a environ 12 ans, avec les grosses portions. C’est devenu trop relax. Je mangeais toujours des choses trop copieuses, pas très intéressantes à décrire… Le niveau avait baissé pour que les restaurateurs puissent faire plus d’argent. Mais aujourd’hui, on mange mieux qu’avant: il y a les ingrédients locaux, les cocktails de qualité aussi. Les vins québécois, ça ne fait même pas cinq ans que j’en vois dans les restaurants; avant, il n’y avait que des cartes tristes de bordeaux, bourgogne, des italiens trop chers… Dans les derniers temps, ça arrivait rarement que je fasse de mauvaises critiques.
L’autre tendance que j’ai vue, c’est l’évolution de la cuisine québécoise, qui n’existait presque pas quand j’ai commencé. Il y avait seulement le Toqué!, le Pied de Cochon n’était pas encore là. Du temps où Les Halles étaient encore ouvertes… Là-bas, c’était tellement français qu’on s’attendait à voir Louis de Funès ou Fernandel dans la salle! Ça me manque ces restaurants-là, qui étaient tellement coincés que tu devais bien t’habiller pour y aller. Vers la fin, je sortais presque en pyjama au restaurant…
Ce côté décontracté vient aussi avec l’attitude du chef. Avant, on n’en aurait pas vu un donner son avis sur une situation politique sur Twitter. Les chefs étaient enfermés en cuisine, et si quelqu’un n’aimait pas ma critique, je recevais une lettre – pas un courriel à 4h du matin disant que je suis une conne. Ils avaient plus de tenue et d’élégance. Le rôle des chefs a aussi beaucoup changé quand certains sont devenus des stars.
Vous pensez quoi de ces chefs qu’on voit partout dans les médias?
Il y en a qui méritent d’être des stars. Mais quand l’ego rentre et que le chef fait plein d’autres choses à côté, il est content de sa cuisine, mais elle n’évolue plus. Il pense que tout est acquis et ça l’empêche d’aller plus loin. Mais un chef devrait essayer de faire de son mieux jusqu’à la fin – au moins pour garder l’intérêt du métier.
C’est difficile de les juger, car ils ont besoin de faire de l’argent, mais je pense que le chef devrait être en cuisine. J’ai eu la chance de retourner souvent dans les mêmes restaurants, et la plupart du temps j’étais déçue, car le chef n’était pas là. Les chefs ne comprennent pas assez à quel point ils ont une vraie présence, pas juste pour regarder les plats qui passent. Les meilleurs chefs à Montréal sont ceux qui ont un contact avec leur clientèle.
Peut-on rester objectif par rapport aux chefs quand on est critique, dans le petit milieu qu’est la restauration?
Beaucoup de gens pensent que les critiques ont des idées préconçues, mais je ne comprends pas comment on peut faire ce métier sans écrire ce qui se passe devant nous. C’est ridicule de penser que la critique est un règlement de comptes personnel… Si c’était ça, on durerait deux ans dans le métier. Moi, j’ai perdu beaucoup d’amis chefs et j’ai donné de très bonnes critiques à des chefs que je n’aimais pas. On n’est pas là pour les chefs, mais pour les lecteurs. La critique, c’est une relation de confiance. On développe des goûts en commun avec eux… J’ai reçu des lettres de gens me disant: «Comment je vais savoir où aller manger maintenant?» Je me sentais responsable de mes lecteurs.
De leur côté, les chefs ont intérêt à être amis avec les critiques, ça les aide. Je peux lire qui est ami avec qui, ça se voit. Mais les critiques devraient se tenir loin des chefs – et je parle pour moi aussi. À la fin, il y a des attentes, alors que nous on est là pour faire notre job. Ça ne peut pas bien marcher! Quand tu vois un critique de restos faire des shots au bar avec le chef, c’est qu’il y a un problème… Il y a des chefs qui sont mauvais, mais qui ont beaucoup d’amis dans les médias, et ça leur sert. Les chefs jouent un jeu et ils le jouent bien. Dans la critique, le côté éthique est en train de disparaître.
Et le goût, ça peut aussi être objectif?
Quand j’ai commencé, je détestais beaucoup de choses, comme le poisson, etc. Mais j’ai appris qu’à la fin, ça n’a rien à voir avec l’ingrédient, mais avec la façon dont il est apprêté. Si un chef sait vraiment faire de la cuisine, il saura acheter l’ingrédient à son meilleur, l’apprêter pour bien garder sa nature sans trop le travailler, le faire ressortir à son meilleur, et les clients vont être d’accord sur le goût. Le délicieux, c’est une combinaison de saveurs, de textures et d’assaisonnement, et ça prend quelqu’un qui réfléchit.
Le critique est toujours à la recherche de ce qui est délicieux. On ne devient pas plus difficile avec les années: quand c’est bon, c’est bon. Il y a un certain niveau de délicieux sur lequel tout le monde est d’accord. C’est d’ailleurs pour ça que McDonald’s et Doritos marchent: c’est fait pour être délicieux. Le cadre ou la musique sont des éléments personnels, mais dans l’assiette, on est tous plus ou moins d’accord. Moi, je ne peux pas écouter The Doors en mangeant, ça me rend folle; mais si le plat est bon, il va le rester malgré tout. Si je dis que c’est bon et que les clients qui me lisent trouvent le même plat mauvais, c’est fini pour moi.
Un bon chef peut aussi avoir de mauvais jours, non?
Je ne crois pas du tout au «off night». Les no-show peuvent affecter le service, mais le chef, c’est une autre histoire. Il doit être comme un robot. J’ai travaillé avec un chef qui s’était fait laisser par sa copine: il a travaillé toute la journée aussi bien que d’habitude, même s’il était triste. Un vrai professionnel laisse ses problèmes à la porte.
Le critique anonyme, ça joue beaucoup dans l’expérience?
J’ai essayé de ne jamais publier ma photo pendant 15 ans. Puis Radio-Canada m’a demandé de faire de la télé et je me suis dit que je ne pouvais pas refuser du travail… Mais c’était beaucoup mieux de faire des critiques quand j’étais anonyme, c’est la meilleure façon de le faire. Le pire, c’est que quand un restaurateur te reconnaît, il te donne un plat gratuit, mais c’est la dernière chose que tu veux! Quelques chefs m’ont dit qu’ils étaient vraiment heureux de pas savoir que j’étais là. Ça les rend nerveux sinon…
Mais l’anonymat commence à disparaître. Les critiques sont devenus égoïstes, ils se pensent tellement importants… Ils sont devenus les stars des journaux. Ma critique était l’une des plus lues à la Gazette, et de loin, avec les articles des gars du hockey.
Vous lisez les critiques gastronomiques des autres médias?
Je lis toutes les critiques – même les TripAdvisor et les Yelp, je trouve ça très drôle! Je suis rentrée jeune dans ce milieu et tout le monde se détestait; avec les années, c’est pire. On a chacun nos petits territoires, les chefs qu’on aime, et il y a une petite compétition pour savoir qui va avoir raison et qui a l’opinion qui compte le plus. C’est aussi pour ça que j’ai voulu arrêter: je commençais à vouloir avoir raison.
Mon critique préféré, c’était Roger Ebert, un critique de cinéma. Il savait faire de la critique comme il faut. Alan Richman aussi, un critique gastronomique de New York. J’aime beaucoup les critiques anglais; ils peuvent parfois vraiment tuer les chefs, mais ils sont tellement drôles! J’aime ça quand c’est drôle. Mon but quand j’écrivais, c’était d’amener le lecteur avec moi. Je l’imaginais toujours le samedi matin, avec son café et son journal. Il doit donc y avoir un côté entertainment dans la critique, pas sérieux et prétentieux…
Il y a trop de snobisme dans la critique?
Beaucoup trop! La gastronomie, quand ça devient snob, j’ai zéro intérêt. Zéro intérêt pour le World’s 50 Best, le Noma, Massimo Bottura… Moi, ce qui m’intéresse, c’est de bien manger. Quand on me demande mes repas préférés, je cite souvent un repas en Grèce où on mangeait du tzatziki avec nos mains. Pour moi, c’est ça bien manger.
Fréquenter de grands chefs? Non merci! Ils ne sont pas très intéressants… Les gens aiment ces grandes stars par association. J’ai fréquenté beaucoup de chefs, j’ai été mariée avec l’un d’eux… C’est juste des chefs, pas des dieux. Oui, il y a des artistes dans le lot, mais d’autres ont eu beaucoup d’argent ou de chance et il n’y a pas de quoi en faire tant de bruit.
Quelle est votre opinion sur les blogueurs culinaires, de plus en plus nombreux?
Quand j’ai commencé en 1999, il n’y avait presque pas de courriels, puis j’ai vu petit à petit la montée des blogueurs. Au début, ça m’a énervée, mais il y en a beaucoup qui ont lâché très vite. Il y en a d’autres qui sont malhonnêtes – ça, ça m’énerve, de dire aux gens d’aller dans un restaurant qui n’est pas bon! – ou d’autres qui lisaient mes chroniques pour savoir où aller ou pour faire leurs listes. Y a des influenceurs qui ont une réelle influence et qui le font bien, et d’autres qui en profitent.
Malheureusement, il y a beaucoup de gens qui deviennent blogueurs gastronomiques parce qu’ils l’ont décidé, sans entraînement ni connaissances, et il n’y a pas de profondeur dans ce qu’ils écrivent. C’est du «moi je» basé sur rien. Je ne suis pas influencée par quelqu’un qui n’a pas de connaissances profondes… Les blogueurs, je leur conseille de suivre des cours, de travailler dans un restaurant, de lire des livres – moi, j’ai environ 2000 livres de cuisine à la maison! –, bref, il faut s’investir. C’est super si un blogueur a quelque chose à offrir, et pas juste «c’est bon/c’est pas bon». Moi, j’ai toujours eu assez confiance en mes connaissances pour critiquer d’une façon constructive, sans détruire.
J’ai aussi beaucoup appris en faisant des listes: le meilleur poulet, le meilleur burger de Montréal… Les gens trouvent ça stupide, mais j’aime beaucoup! Ça permet de démystifier la cuisine et de comprendre pourquoi quelque chose est bon. C’est une obsession chez moi de trouver la meilleure chose dans chaque catégorie. Je mangeais une trentaine de burgers par exemple, et là je comprenais ce que c’était qu’un vrai burger. Je préfère tellement un bon burger bien fait à une tranche de foie gras sans âme!
Et la cuisine ultra sophistiquée et travaillée qu’on voit dans certains grands restos, vous en pensez quoi?
Comme j’ai commencé comme pâtissière, quand je vais au resto, je regarde beaucoup les desserts. Les chefs aiment bien faire des desserts repensés. Le pire dessert que j’ai goûté, c’est une tarte au citron meringuée déconstruite. La tarte elle-même est parfaite, alors le chef devrait déjà nous montrer qu’il est capable de bien la faire! Si vraiment il veut la déconstruire, c’est qu’il a maîtrisé la base. Aujourd’hui, on ne voit tellement plus de classiques que je me pose des questions… Est-ce que les chefs savent encore faire une bonne blanquette de veau?
Les clients veulent des repères. Par exemple, sur la carte des vins: certains veulent faire des découvertes, mais la plupart veulent des choses qu’ils connaissent. Un chef m’a raconté qu’un jour, pour s’amuser, ils ont mis sur leur carte d’importations privées un vin de Coppola; toutes les bouteilles sont parties en une soirée, parce que les gens connaissaient le nom. Si un chef met un poulet rôti à la carte au milieu de ses plats compliqués, c’est sûr que ça va marcher. C’est pour ça qu’on voit des hamburgers sur la carte de beaucoup de restos…
La critique culinaire en fait rêver beaucoup. Vous diriez quoi à ceux qui voudraient se lancer dans le métier?
Premièrement, je dirais de ne pas le faire! J’ai tellement pas fait d’argent… Et tout le temps aller au restaurant, trop manger, j’ai trouvé ça difficile avec l’âge. Parfois, ça me prenait deux semaines à récupérer après Montréal en lumière… À 30 ans c’est facile, à 50 ans c’est difficile, voire pénible. Le problème quand t’es critique, c’est que si t’en laisses dans ton assiette – d’abord je ne fais pas ça, c’est du gaspillage –, le chef va penser que t’as pas aimé. Aussi, ce que je n’ai pas aimé des articles, c’est qu’on est beaucoup derrière l’ordinateur. On mange beaucoup, on écrit énormément… Et je n’ai presque pas vu passer ces 20 ans.
Je pense que le futur de la critique de restaurants va finir dans des blogues. Le défi pour ces influenceurs sera d’être éthiques, de savoir parler vraiment des bonnes choses. Je crois qu’il est possible d’être invité et d’être éthique, même si ce n’est pas facile. Sinon, il n’y aura que les gens fortunés qui seront critiques de restos, car ils auront les moyens de payer de leur poche – comme ça se passe en Angleterre avec par exemple le fils de Camilla Parker-Bowles.
L’autre problème avec les critiques, c’est que le budget des journaux est en train de diminuer. Moi, je faisais beaucoup plus en salaire quand j’ai commencé que maintenant. Je pense que j’ai été la dernière à avoir la chance d’avoir un budget du journal, d’être soutenue par la rédaction quand des restaurateurs ont voulu me poursuivre en justice. On n’a plus non plus le budget pour aller manger trois fois dans un restaurant – l’idéal pour tester un endroit. Il y a aussi la question du temps: si je sors trois fois, c’est trois soirées de ma semaine passées à manger et ne rien faire d’autre… Il y avait un critique du New York Times qui faisait 12 fois le même resto avant de publier quelque chose. Les chefs aussi nous disent de revenir plusieurs fois avant d’écrire… Mais quand ils font venir des blogueurs pour écrire sur eux, ils ne les invitent certainement pas trois fois!
C’est que les restos, ça finit par coûter cher… C’est un budget qui se justifie?
C’est tellement cher! Je trouve dommage que les gens qui parlent des restaurants ne parlent pas assez de prix… Surtout quand il s’agit de grands restaurants. Je me souviens d’un resto à Vienne où c’était tellement transformé dans l’assiette, touché, manipulé… Le repas a coûté 750$. Je me sentais stupide quand j’ai fait ça! J’ai mangé chez Bocuse aussi il y a quelques années: il n’y avait que des hommes en tuxedo dans le personnel – pas une seule femme –, que de vieux messieurs qui ne souriaient pas. Les choses ont évolué, eux non. Résultat: 800$ pour deux, assez médiocre dans l’assiette…
La dernière fois que j’ai fait Toqué!, ma dernière critique d’ailleurs, je suis entrée en ayant l’intention de finir avec un haut – j’ai fini avec un bas. Mais il y a beaucoup de gens qui vont penser que leur repas était formidable parce que c’était plus de 500$ pour deux. C’est pour ça qu’on est là, les critiques.
Une fois, mes boss m’ont dit que je parlais trop de prix. Mais combien de millions de dollars la Gazette a dépensés pour m’envoyer manger partout! Aujourd’hui, je ne peux plus aller dans les grands restos. J’aimais ça quand j’étais plus jeune, maintenant, je n’ai plus le temps pour ça, payer 800$ pour passer six heures à table. Je trouve que c’est un truc d’hyper riches. Maintenant, je vais aller à l’Express, au Leméac… Et chez moi! En fait, je crois que je ne vais pas aller au restaurant pendant un bon moment.