Québec et clichés culinaires
Citer Charlebois dans son titre, glisser un « tabernacle », juger la gastronomie québécoise après avoir fait deux restos : un journaliste français enfile les clichés et en prend pour son grade.
Je reviendrai à Montréal (au Pastel). C’est le titre d’un article du journal français Les Échos, paru en février dernier et consacré à la critique du restaurant montréalais Pastel. Il y a quelques jours, le journaliste gastronomique Gildas Meneu tombe dessus et le poste sur sa page Facebook, surmonté de ce message : «Je suis content pour le Restaurant Pastel mais quand même… On a encore du travail pour faire connaître la fantastique gastronomie montréalaise.»
En effet, l’auteur de l’article, le journaliste français Laurent Guez, ne lésine pas sur les clichés. À commencer par le titre, qui fait allusion à la célèbre chanson de Charlebois (et sans doute la seule connue outre-Atlantique). Et puis il y a cette accroche : «C’est rarement pour sa gastronomie qu’on s’envole pour le Québec. Mais il est possible de dénicher quelques bonnes adresses…»
On s’imagine là que le journaliste doit réduire la province à la poutine et autres préjugés éculés. Pauvre travail de recherche pour un critique gastronomique, puisqu’il suffit d’arpenter les rues de Montréal ou de lire ses rubriques culinaires pour avoir un large aperçu de ses richesses au rayon restos.
Le reste de la critique rend cependant un bel hommage au Pastel – et le journaliste en paraît presque surpris. «Pardon chef, on vous avait sous-estimé, vous êtes un champion», conclut-il. Sous le post Facebook, la communauté de gastronomes du Québec ne tarit pas de réactions effarées, dont voici un florilège :
– «Être cité en exemple dans un tel article, c’est gênant pour le Pastel. Tu veux être un excellent resto dans une mer de bons restos, pas «un bon choix» parmi ce que pense être la gastronomie selon cet écrivaillon.»
– «Quand tu fais pas tes devoirs…»
– «C’est tellement français comme approche… Pour ne réellement apprécier du Pastel que le plat qui pourrait le plus ressembler à ce que l’on trouve dans un gastro de l’Hexagone, il faut être un tricolore vraiment vieille France…»
– «À sa prochaine visite, on s’occupe de lui et on le sort. Après, il ne pourra plus dire qu’on vient rarement au Québec pour sa gastronomie. Non, mais, quelle ignorance!»
Et la critique gastronomique Lesley Chesterman de commenter avec humour : «Les Français… putain ?»
Suite à un tweet, le journaliste Laurent Guez se défend :
Cher confrère, mes mots d’introduction n’étaient pas accusatoires… Il me semble quand même que pour un Français, à tort ou à raison, l’image de Montréal n’est pas celle d’une capitale gastronomique. Amitiés, cousin !
— Laurent Guez (@lguez) May 22, 2019
En effet. Mais il serait peut-être temps d’aider à la changer, cette image? «C’est intéressant ce qu’il dit. C’est l’image de Montréal à l’extérieur et nous sommes susceptibles», nuance Gildas Meneu.
Du même auteur, on peut également lire dans Les Échos cette critique du Gibbys, «la bonne adresse dans le Vieux-Montréal», affublée du titre Quelle taverne, tabernacle!. Après une pensée nostalgique pour Ricardo le trappeur des bois, on se prend à espérer encore qu’un jour on ne verra plus ce type de prose farcie aux clichés dans la presse française. Merde alors.
P.S : article écrit par une Française