Le grand retour du scone
Restos / Bars

Le grand retour du scone

La batailles des Plaines se rejoue, cette fois au rayon boulangerie : le sacro-saint croissant français pourrait bien se faire détrôner par le scone tout droit venu de la tradition britannique, et qui se fait une belle place sur les étals. Le petit pain au beurre n’a pas fini de faire parler de lui…

Le scone, c’est la petite douceur indissociable du thé d’après-midi à l’anglaise. Les puristes l’aiment craquant à l’extérieur, moelleux à l’intérieur, un peu farineux en fin de bouche, et servi avec confiture et crème Devon – et, bien sûr, un thé. C’est d’ailleurs pour accompagner son service « L’heure du thé » que Luc Sénéchal a commencé à offrir des scones maison dans son café de Rosemont-La-Petite-Patrie, La Brume dans mes lunettes. Son objectif : démocratiser le scone. « J’ai envie que ça devienne le petit gâteau Vachon du Québec ! », indique le propriétaire. Aux scones natures, canneberges-amandes et cheddar-bacon du début se sont depuis ajoutées de nombreuses saveurs.

« On a peaufiné la recette de base avec le temps, explique le propriétaire. Chaque cuisinier a le pouvoir de changer les choses en travaillant des variantes, sucrées ou salées. » On peut ainsi se bourrer la face avec le pomme caramélisée au beurre fleur de sel, le dattes-oranges-épices ou encore le feta-épinards-citron. Parmi la quarantaine de saveurs qui sortent de l’atelier de production, il y en a aussi de plus audacieuses : oreo, fruitloops, sconezza (oui, il s’agit bien d’un scone qui a rencontré une pizza), smoked-meat, poutine, sconedog (je vous laisse deviner)… Bref, les cuisiniers se font plaisir, sur les recettes comme sur les noms – « en faire au sapin, ça serait un sconifère », rigole Clément Vieuille, qui travaille à la cuisine du café.

Et puis il y a eu LA recette : le scone lavande-chocolat blanc-romarin. « Tout a explosé. C’est notre best-seller ! », s’exclame Luc. Si La Brume dans mes lunettes vendait auparavant ses scones comme des petites mignardises, ils sont rapidement devenus l’attraction principale pour la plupart des clients. Huit sortes sont offertes en permanence au comptoir, les inspirations du jour côtoyant les classiques. Les 1 500 scones vendus chaque mois représentent aujourd’hui un tiers du revenu du café. « Les gens ont associé le scone à La Brume dans mes lunettes, pense le propriétaire. On n’est pas uniques, de plus en plus de gens en vendent, mais chez nous c’est fait maison avec des ingrédients naturels, sans agent de conservation. Et y a plein de saveurs… »

Le monde est scone

La demande était telle que le fondateur du café a commencé il y a un an à commercialiser ses scones à l’extérieur, sous la marque Le monde est scone – pas de doute, l’amour du calembour est bien présent dans le petit café rosemontois. Depuis, environ 10 000 scones par mois sortent de son atelier de production, pour fournir 74 points de vente à travers la province. « Le monde est scone vient définitivement de la réception qu’on a eue de la part des clients de La Brume. Les gens ont vraiment accroché et les scones sont devenus notre produit phare, explique Luc. La création du produit en vente direct partout au Québec c’était simplement l’étape suivante.»

Pourtant, le scone était encore méconnu il y a seulement cinq ans. « À cette époque, lorsque j’ai découvert les scones et commencé à partager mon amour pour cette pâtisserie, j’en trouvais très rarement à Montréal, se souvient Tommy, auteur du blogue culinaire Le Cuisinomane. Dans tous les endroits où j’allais j’en demandais, et peu à peu de plus en plus de cafés en se sont mis à en offrir. »

Mais pour le blogueur, pas de risques pour autant que le scone ne double les viennoiseries traditionnelles. « C’est moins grand public. Beaucoup de gens ne connaissent pas ce produit et ne savent pas que le scone doit être un peu sec, craquant, pas trop sucré… Et aussi, plusieurs ont de mauvais souvenirs ! » Grand amateur, Tommy a testé toutes les variantes offertes en ville pour en faire un palmarès. Ses préférés à Montréal ? Sachère dessert, Melk et Bar à Beurre pour les saveurs originales, Cardinal, Sparrow (dans le brunch du weekend), Larry’s et Patrice Pâtissier pour le scone au bleuet, et Gryphon d’Or et Le Parloir pour le nature.

Sconedwich et afternoon tea

En attendant, comment expliquer le succès de ce petit pain britannique ? Pour Tommy, on doit cela aux réseaux sociaux et autres micro-influenceurs, grâce à qui l’information véhicule beaucoup plus facilement. Aussi, la popularité du très instagrammable afternoon tea ces dernières années a aidé au succès. Et puis il y a la versatilité du produit, car le scone nature se consomme aussi bien au déjeuner qu’au brunch, en collation ou à l’apéro. À La Brume dans mes lunettes, les cuisiniers ont d’ailleurs décliné le pain en base pour leurs « sconedwichs ».

« Je sais pas expliquer cet engouement pour le scone, même si je trouve ça formidable. On ne vend pas plus de biscuits ou de croissants, analyse Luc. Y a des scones partout maintenant. Dans les stations service, les hôtels… C’est le retour des années 80 ! Le scone fait partie de notre culture anglo-saxonne, est-ce que c’est si mal de l’adopter ? »

Pour Clément, la raison de ce succès tient sans doute à la variété de choix : « Les gens connaissent le scone nature, peut-être raisins, mais pas plus. Ici tu vois plein de saveurs différentes, ça donne envie. Visuellement, ça tape. » Et il y a le beurre aussi, qui en fait une douceur qui tient au corps et amène un côté réconfortant, presque régressif. « Mais j’évite d’en manger trop, pour les artères… », confie le cuisinier. Et Luc d’ajouter en riant : « Un scone par jour vous approche de l’obésité pour toujours ! Mais c’est bon pour l’âme, et c’est ce qui compte… »