Clément Vieuille : changer de rythme en cuisine
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Clément Vieuille : changer de rythme en cuisine

Originaire de Charente-Maritime en France, ce chef de 31 ans est arrivé il y a deux ans au Québec. Passé d’abord par le Toqué! et Christophe, des grosses pointures de la restauration montréalaise, il a choisi ensuite d’aller travailler dans un café de la Petite-Patrie pour retrouver un rythme plus sain. Et il a plein de choses à dire sur la cuisine…

VOIR : Comment es-tu arrivé dans la restauration?

Clément Vieuille : J’ai toujours aimé manger. Ma mère et ma sœur m’ont poussé à la curiosité culinaire, à tout goûter. Mon grand-père était boucher-charcutier et ça a beaucoup joué aussi ; il m’a appris à aimer les bons produits et les choses simples. Vers 20 ans, je ne savais pas trop quoi faire de ma vie, à part cuisiner chez moi pour mes amis. Je me suis dit que j’allais joindre l’utile à l’agréable, et j’ai suivi une formation en cuisine. Ça a matché direct. Je faisais des heures supp’ pendant la formation tellement j’aimais ça. Et j’ai jamais lâché.

Depuis avril 2019, tu travailles à La Brume dans mes lunettes. Pourquoi ce choix de passer de chef dans un resto de standing à un petit café de quartier?

Je suis partie du Christophe car ça faisait deux ans que j’étais au Québec et j’en avais pas vraiment profité. J’en avais marre de travailler le soir, j’avais envie de changer de rythme, de créer une vie de famille… Même si ça m’a fait perdre un certain standing en cuisine, il faut penser à soi aussi. Et quand on a trouvé l’équilibre dans sa vie et qu’on prend du temps pour soi, on le rend mieux dans l’assiette.

À la Brume, je travaille 3 à 4 jours par semaine, j’ai un bon salaire, des tips… Ça me permet de profiter de ma blonde et du pays ; en fait, d’avoir une vie. Il faut respirer, voir autre chose, aller manger ailleurs aussi, se faire servir et voir la concurrence…

Qu’est-ce que t’as le moins aimé dans ton expérience de grands restos?

Les chefs qui gueulent. Si tu cries sur les gens, ils auront pas envie d’apprendre ; ils vont même entrer en conflit avec toi. Dans ce métier, ça prend du caractère, et quand tu mets ensemble plein de gens avec du caractère et que leur cries dessus quand c’est pas justifié, tu voies les couteaux voler – au sens propre. En France, dans les grandes maisons, j’ai vu des gars trop saler exprès les plats de leurs collègues… Ça, c’est pas des conditions de travail, on a déjà assez de pression comme ça. Les gens ne veulent plus travailler en cuisine à cause de ça. C’est dommage, c’est le plus beau métier du monde. 

C’est quoi ta cuisine, en quelques mots?

Une cuisine intuitive, locale, de saison. Je me concentre sur les produits, quitte à les décliner. J’aime vraiment aller au fond d’une carotte ou d’une aubergine… Y’a tellement de choses à faire avec un seul produit! 

J’aime que le client ait le choix. Quand quelqu’un veut savoir quel est le sandwich du jour, je lui demande ce qu’il aime et je lui fais quelque chose sur mesure. La plupart des habitués, je sais ce qu’ils aiment et ils me font confiance. Le but, c’est de les rendre heureux ; quand je vois un client sourire, mon salaire est fait! 

Il paraît que tu es un fan absolu de sandwich…

C’est le plat que je pourrais me faire tous les jours, parce que je suis incapable de manger deux fois la même chose, sinon je m’ennuie. Avec le sandwich, ça change tous les jours! Et c’est pas forcément de la junkfood : tu peux te faire des trucs de très bonne qualité avec des super produits. Bref, le sandwich, c’est le futur. Surtout à notre époque où les gens ont plus le temps ni l’envie de se poser, comme ici en Amérique du Nord. 

Comment tu gérais ça, quand tu travaillais de soir?

Faut prendre soin de soi. La boxe, ça m’aide énormément. Ça fait du bien de cibler mes colères et frustrations là-dedans. Et quand je travaille, j’essaie de manger très équilibré, avec beaucoup de fruits et de légumes. Le week-end par contre, c’est deux cheatdays : je me bousille la santé, mais avec amour.

Je préfère aller dans des commerces et cuisiner que d’aller au resto. Je passe au marché tous les soirs pour le repas. Ou chez Pascal le Boucher, que j’adore : quand j’y vais, je reste une heure à parler. Il me donne des gros blocs de viande et je m’amuse à les préparer, je vais chercher les muscles que je veux. Et bien sûr, je cuisine en musique. En fait, je consomme un peu la musique comme la bouffe…

C’est-à-dire?

En musique comme en bouffe, j’ai des cravings de trucs gras et faciles, et parfois je veux du plus travaillé. À la Brume, chacun met sa musique, selon le mood et l’heure de la journée. Quand tu demandes à un chef de quoi il ne peut pas se passer en cuisine, il va te citer son couteau, tel ou tel produit ; moi, c’est la musique. Je travaille toujours en rythme. Un accord musique-bouffe? Avec notre scone lavande-chocolat, par exemple, j’écouterais un truc wavy, parce que c’est doux en bouche…