Aujourd'hui, j'aimerais profiter du premier jour du Festival de jazz pour rendre hommage à un homme qui a élargi considérablement mes horizons culturels: André Vigeant, l'animateur de l'émission Escale Jazz, diffusée sur la chaîne culturelle de Radio-Canada du lundi au vendredi de 18 h à 20 h (sauf l'été, où l'émission de monsieur Vigeant est remplacée par Quand le jazz est là, animée par Stanley Péan).
Il y a quelques années, alors que j'étais jeune et fou, le grand boss du défunt magazine culturel MTL, Hugo Léger (un excellent rédacteur en chef qui mène maintenant une brillante carrière dans le monde de la publicité), m'a demandé d'écrire un texte d'humeur intitulé: Pourquoi je n'aime pas le jazz. Non seulement ai-je accepté la commande sans hésiter une seule seconde, mais je n'ai jamais eu autant de plaisir à écrire un texte.
J'étais alors ce qu'on pourrait appeler un jazzophobe. Comme Marie-France Bazzo, dont l'aversion pour le jazz est légendaire, ma santé se détraquait dès que j'entendais une note qui pouvait ressembler de près ou de loin à du J-A-Z-Z. C'est bien simple, lorsque le Festival d'André Ménard et d'Alain Simard commençait, j'avais le goût de creuser un trou dans le jardin et de m'y enfouir pendant deux semaines. Je ne comprenais pas pourquoi des milliers de gens se donnaient rendez-vous dans les rues de Montréal pour écouter des musiciens vomir dans leurs instruments…
Jusqu'au jour où j'ai déménagé en banlieue. Pendant deux ans (durée de mon séjour dans le merveilleux monde du 450), j'ai passé la fin de chaque après-midi bloqué sur le pont Victoria.
(Méfiez-vous des banlieusards qui affirment que les ponts ne sont jamais bloqués. C'est faux. Ils sont payés pour véhiculer ce mythe. Chaque fois qu'ils réussissent à convaincre un urbain de s'installer en banlieue et de joindre leur club, ils reçoivent un kit de Tupperware gratuit.)
Pour passer le temps, et supporter mon calvaire, j'écoutais la radio. Malheureusement, à cette heure, ou vous tombez sur une émission d'affaires publiques qui vous dit que les ponts sont bloqués (j'ai remarqué, merci). Ou vous tombez sur une toune de Cécile Dion.
C'est alors que j'ai découvert Escale Jazz. Au début, bien sûr, je détestais. Mais avais-je le choix? C'était ça ou My Heart Will Go On. Alors j'ai pris mon mal en patience. Et, peu à peu, sans que je m'en aperçoive, suspendu au-dessus du fleuve entre le Vieux-Port et Saint-Lambert, je suis tombé en amour avec le jazz.
Tout ça, grâce à André Vigeant. Sa voix, tout d'abord, qui ferait pâlir d'envie Chet Baker (vous écouteriez Vigeant lire le bottin téléphonique et vous croiriez entendre Kind of Blue de Miles Davis, je vous jure…). Mais aussi ses propos, son choix de musique, ses présentations…
Bref, maintenant, grâce à Vigeant – que je n'ai jamais croisé, soit dit en passant (je ne sais même pas à quoi il ressemble ni quel âge il a) -, je suis un amant du jazz. Ah, pas un super bollé comme Serge Truffaut du Devoir, Alain Brunet de La Presse ou Gilles Archambault et Stanley Péan de Radio-Canada, qui peuvent vous décrire la chemise que l'ingénieur du son portait le jour où Sidney Bechet a enregistré son troisième album, mais un néophyte curieux, qui découvre peu à peu les classiques (Coltrane, Davis, Rollins, Monk, Parker, Baker…).
Je ne suis pas encore arrivé au jazz fusion (je n'y arriverai jamais, je crois), mais, bon, je «comprends» le jazz. Comme je «comprends» l'expressionnisme abstrait de Pollock, le surréalisme de Miro ou la littérature «objective» d'Alain Robbe-Grillet. Je comprends qu'une pièce musicale n'a pas besoin d'histoire ou de mélodie pour émouvoir.
Et tout ça, grâce au pont Victoria et à André Vigeant.
Merci, monsieur Vigeant. Et bon festival. Au plaisir de réentendre votre voix cet automne…
André Vigeant sur le pont Victoria
Richard Martineau
Oui, j’en ai ras le bol de l’émission de ce monsieur. Je mettrais un bémol sur la constatation que font les sondages sur sa grande cote d’écoute. En fait, à l’heure de son émission, il nous prend en otage. Lorsque l’on travaille et qu’au retour à la maison, on prépare le souper, et qu’après on soupe, nous sommes un peu – tout de même – des otages de Radio Canada quand on aime la Première Chaine, mais pas l’émission d’André Vigeant qui nous fait entendre, plus souvent qu’autrement, un jazz pour les férus qui ont tout entendu de ce genre musical.
Merci,