Hier, j'ai pris un taxi pour me déplacer de la rue Sainte-Catherine à la rue Bernard. Durée du trajet: une heure. Une heure!
D'abord, c'était le Festival de Jazz qui bloquait le centre-ville jusqu'à la rue Sherbrooke. Ensuite, c'était les Portugais qui descendaient dans la rue pour célébrer leur victoire au soccer, sous l'oeil bienveillant des flics qui stoppaient les autos et montaient des barricades à tous les carrefours.
«Bizarre, m'a dit mon chauffeur haïtien. Dans mon pays, le rôle des policiers est de faire circuler les autos. Ici, c'est de bloquer les rues.»
L'autre jour, c'était le Tour de Ville qui m'a immobilisé pendant une heure et demie. Je voulais sortir de mon quartier; pas possible. Je ne pouvais ni avancer ni reculer. «L'itinéraire a été mal tracé, m'a dit un policier. Vous êtes complètement encerclés. Je suis désolé, vous devrez prendre votre mal en patience.» Une infirmière devait se rendre à l'hôpital Notre-Dame pour travailler. Elle a dû attendre 90 minutes au volant de son véhicule. Elle ne pouvait pas le stationner pour prendre le métro, elle ne pouvait même pas avancer de trois mètres, tout était bloqué.
J'ai une idée: pourquoi ne pas bloquer toute l'île de Montréal du 1er au 31 mai? Comme ça, tous les organismes, toutes les associations et tous les groupes de pression possibles et impossibles pourront descendre dans la rue. Le Festival de la patate pilée, l'Association des nains unijambistes, la Coalition des lesbiennes aveugles, les cols bleus, les cols blancs, les joueurs de soccer néo-zélandais, les séparatistes, les fédéralistes, les squeejees, le Conseil du patronat, Nuit d'Afrique, Jour d'Eurasie, la CEQ, la FTQ, l'Association des marchands de la rue Mont-Royal, les cyclistes, les planchistes, les gens en fauteuil roulant électrique, les poussettes, etc.
Après, le reste de l'année, les rues reprendront leur rôle premier: PERMETTRE AUX CITOYENS DE CIRCULER, BORDEL!!!!! SE RENDRE D'UN POINT À L'AUTRE DE LA VILLE!!!!!
Vous voulez fêter la victoire de la Russie au Mondial des échecs ou l'anniversaire de naissance du libérateur de la Cocagne orientale? ALLEZ SUR LA MONTAGNE! LIBÉREZ LES RUES!
Voilà. Comme on dit: ça venait de mon fond.
Fermez la ville!
Richard Martineau