Comme je m'y attendais, mon texte Fermez la ville a suscité de nombreuses réactions. En voici une, provenant de mon confrère à Voir, le journaliste Steve Proulx:
«Jadis, la rue était un lieu de rassemblement, de rencontres, les gens s'y rendaient, jasaient de l'homélie du curé la veille, les marchands vendaient leurs bébelles, il y avait vraiment une vie de quartier qui partait de la rue. À l'époque, chaque quartier était autonome et l'on pouvait trouver tout ce que l'on voulait: épicerie, divertissement, usine, école, etc. Tout ça, autour de la rue principale. Il y avait le tramway, au milieu de la rue, et quelques charettes. Les quelques voitures, s'il y en avait, tentaient de se frayer un chemin dans tout ce brouhaha grouillant.
Puis est arrivée la démocratisation de la voiture. Ford a inventé sa chaîne de montage et a pu créer des voitures à moindre coût. Plus tard, les autobus ont remplacé les tramways (qui étaient non polluants et non bruyants).
Bref, tranquillement, la rue a changé de vocation, elle est devenue une voie consacrée exclusivement à l'automobile. Les trottoirs sont devenus anorexiques, sinon inexistants. Du coup, la vie de la rue est disparue. Les quartiers se sont spécialisés. Les gens utilisent la voie pour aller travailler au centre-ville et vont bouffer sur Mont-Royal pour finalement s'en retourner dans leur banlieue. Tout ça, bien sûr, a créé les problèmes que l'on connaît, des accidents de la route au réchauffement climatique.
Personnellement, je ne militerai jamais pour l'exclusivité de la rue aux autos. Je n'ai pas d'auto, même pas de permis de conduire. Quand les gens descendent dans la rue, pour quelque cause que ce soit, ils deviennent citoyens, ils prennent leur place dans la rue et expriment un point de vue, célèbrent, manifestent, se rassemblent. Et en tant qu'être humain, je trouve ça profondément sain.»
D'accord, Steve, c'est sain. Mais de temps en temps! À Montréal, j'ai l'impression que n'importe qui peut bloquer une rue pour n'importe quelle raison. Si les gens aiment tant ça, se promener dans la rue, qu'ils déménagent à la campagne!
Quant aux fanas du vélo, lâchez-moi! Circuler à vélo, c'est bien quand tu es seul et que tu transportes une clé et une carte Interac dans la poche arrière de ton jean. Mais quand tu as deux enfants en bas âge qui vont à deux écoles différentes avec deux sacs, deux boîtes à lunch, des vêtements de rechange car ils viennent coucher chez papa, ton ordi que tu dois traîner car tu es pigiste, tes sacs d'épicerie, le matériel pour le camp de soccer, les cassettes vidéo que tu es allé louer, etc,. tu fais quoi? Tu t'inscris à un cours de vélo au Cirque du Soleil? Tu prends l'autobus?
Come on, les boys. Faites un petit reality check de temps en temps.
Fermez la ville: réactions
Richard Martineau