Je vous écris de Québec. Je sors tout juste d'un taxi. Le chauffeur a un accent. Ma blonde lui demande d'où il vient. «Je suis bosniaque», nous répond-il. On engage une conversation avec lui. L'homme (qui parle un français impeccable) nous dit qu'il a dû faire la guerre pendant quatre ans; que, du jour au lendemain, ses voisins sont devenus ses ennemis; et qu'il est déménagé au Québec parce qu'il en avait ras le bol de la politique.
«Moi, tout ce que je voulais, c'est être tranquille, nous dit-il. Avoir une maison, une femme, des enfants, un boulot. Bref, faire ma vie. La politique a tout foutu en l'air.»
«Vous ennuyez-vous de la Bosnie?», lui demande ma blonde.
«Pas du tout, répond le chauffeur. Voyez-vous, ma femme est Serbe. Nous étions situés d'un bord et l'autre du conflit. Ses amis ne voulaient pas me voir, et mes amis ne voulaient pas la voir. Or, ici, on a la paix. Je ne suis pas mélancolique, pour la simple et bonne raison que je préfère ma femme à mon ex-pays.»
C'est la plus belle phrase que j'ai entendue depuis longtemps. «Je préfère ma femme à mon ex-pays.»
L'amour que j'éprouve pour mes proches est plus important que l'amour que j'éprouve pour ma patrie.
N'est-ce pas extraordinaire?
C'est mon histoire de la Saint-Valentin. Sept mois plus tôt.
All You Need Is Love
Richard Martineau