Avez-vous vu la couverture de Voir la semaine dernière, avec Emmanuelle Béart? On avait l'impression qu'elle avait des lèvres en résine de synthèse! Je suis sûr qu'il y a plus de collagène dans les lèvres d'Emmanuelle Béart que dans tout le corps de Cher.
La comédienne n'est pas un cas à part. De plus en plus de femmes (connues ou pas) se shootent au collagène pour ralentir les "ravages" du temps.
On croyait qu'avec le scandale des implants mammaires, la fièvre de la chirurgie esthétique allait prendre un coup de froid. Il n'en est rien. Les maîtres du scalpel n'ont jamais été aussi occupés. Dans quelques années, passer sous le bistouri pour se refaire un visage sera aussi courant que d'aller chez le dentiste.
On dit qu'au 22e siècle, la terre sera peuplée d'hommes synthétiques. Oubliez l'avenir: l'homme-machine est parmi nous, et il porte des talons hauts. Pour l'apercevoir, vous n'avez qu'à regarder les galas télévisés: les Oscars, les Césars, les Gémeaux. On dirait un congrès de l'Association des fabricants d'automobiles. À droite, le modèle 99, avec pare-chocs rebondi. À gauche, le modèle 2004, avec design aérodynamique. Plus une ride, plus un pli; des rangées de créatures rutilantes luisant sous les projecteurs, la bouche figée dans un éternel sourire, les seins constamment au garde-à-vous, les paupières tellement remontées qu'elles ne peuvent plus cligner des yeux.
L'an dernier, Martin Scorsese est parti en guerre contre le collagène. Il a dit que ça empêchait les actrices d'exprimer certaines émotions. Elles ne peuvent plus froncer les sourcils comme avant tellement elles ont le visage pétrifié.
Vous trouvez ça beau, vous? Moi, je trouve ça pathétique. Regardez Isabelle Adjani. Cette femme était magnifique. Elle ressemble aujourd'hui à une momie. Elle serait beaucoup plus jolie avec des rides, non?
Les yeux sans visage
Richard Martineau