BloguesRichard Martineau

Une société qui dort au gaz

J'ai reçu beaucoup, beaucoup de courriels à propos de mon blogue d'hier. La plupart des gens appuyaient mes propos, et me félicitaient d'avoir dit tout haut ce qu'ils pensaient tout bas. Certains, par contre, m'ont trouvé un peu trop raide, un peu trop dur.
Désolé, les amis, mais je commence à en avoir ras le bol d'entendre les Québécois blâmer tout un chacun pour leurs propres malheurs. Je suis en Acadie, présentement (plus particulièrement à Halifax, où se déroulent le Congrès mondial acadien et les célébrations du 400e anniversaire de l'Acadie). Voici un peuple qui a été trahi, humilié, déporté. Chaque jour, des Acadiens sont interviewés à la radio, à la télé. Savez-vous ce que je les entends dire le plus souvent? «Il faut cesser de regarder en arrière et de pleurer sur notre passé. Il faut se relever les manches et regarder en avant!»
Voilà un peuple résillient! Boris Cyrulnik serait fier d'eux…
(Personne résiliente: «Qui a la capacité de réussir à vivre et à se développer positivement malgré le stress et l'adversité, et malgré les mauvaises expériences qu'elle a dû traverser.»)
Or, au Québec, que fait-on? On pleurniche sur le «pôvre» sort de la «pôvre» culture québécoise…
Dieu du ciel!
Au lieu de brailler, on devrait relever le niveau. Cesser d'applaudir des deux mains dès qu'un enfant fait un p'tit gribouillis sur une feuille de papier. Cesser de donner des diplômes à des étudiants qui ne le méritent pas. Cesser d'accepter à l'université des cégépiens qui ne savent pas écrire.
Tu n'as pas réussi ton test? Tu redoubles, c'est tout!
Tu ne sais pas écrire? Tu ne connais pas les règles de base de la grammaire et de l'orthographe? Désolé, mais tu ne peux pas entrer à l'université. L'université, ça ne sert pas à t'apprendre à écrire, ça te sert à apprendre à penser.
Et pour penser, il faut D'ABORD savoir écrire. Et pour apprendre à écrire, il faut BOSSER, TRAVAILLER, S'APPLIQUER.
Bref, il faut FAIRE UN EFFORT.
Comme me l'a déjà dit le philosophe Pascal Bruckner, en novembre 2000: «Aujourd'hui, on voudrait que tout soit facile, agréable. Or, les biens obtenus sans effort n'ont aucune valeur. Trop de facilité tue le plaisir. Pour que la satisfaction soit complète, il faut cheminer avec le temps, mûrir longuement ses projets… Tout obstacle vaincu et surmonté donne du prix à l'objet visé, la fatigue du travail peut rebuter mais elle peut aussi libérer une jouissance sans égale. Une vie sans combat, sans fardeau, sans peine d'aucune sorte constituerait un monument de langueur.»
Cela dit, rien de plus difficile que d'inculquer aux enfants le sens de l'effort. C'est vrai, regardez autour de vous: qui sont les héros de l'heure? Des rappeurs qui cassaient des nez avant de battre des records de vente; des athlètes professionnels payés plusieurs millions de dollars pour pousser une rondelle et blesser leurs adversaires; des entrepreneurs qui ont amassé des fortunes colossales en pitonnant sur leurs ordinateurs.
Voici quelques titres publiés au cours des derniers mois: How to Get the Best Grades With the Least Amount of Effort, Remarkable Returns With Minimal Effort, 130 Recipes That Make a Big Impression With a Minimum of Effort, Strategies for Becoming a Millionnaire Within a Year With No Effort, The No-Effort Exercise, Running Faster With Less Effort, Double Your Energy With Half the Effort…
En juin 1999, une étude dévoilait que 44 % des cégépiens consacraient moins de 45 minutes par jour à leurs études quand ils étaient au secondaire. «Les élèves n'apprennent plus l'importance de l'effort», s'est alors indigné J.-Jacques Samson, éditorialiste au Soleil.
Qui sait? L'effort est peut-être une valeur en voie d'extinction…
Si c'est ça, on n'est pas sorti du bois.