S'il y a une chose que j'ai apprise au cours des dernières années, c'est que la foi souverainiste aveugle même les gens les plus allumés. Il suffit de critiquer le crédo nationaliste du bout des lèvres pour transformer des interlocuteurs affables en militants enragés. Un moment, ces gens vantent vos propos, demandent de vos nouvelles et affirment qu'ils apprécient votre conversation; une seconde plus tard, ils vous lancent toutes sortes d'insultes par la tête. Qu'importe si vous avez déjà refusé d'être éditorialiste à The Gazette parce que vous trouviez ça indécent de critiquer votre communauté dans un quotidien anglophone, tout de suite, ils sortent les gros mots: «Colonisé», «Québécois qui n'aime pas sa culture», «Étranger dans son propre pays». Tout juste s'ils ne vous traitent pas de traître à la nation.
Le pire est que ces gens-là ne voient même pas qu'ils changent du tout au tout. Ils sont comme le chien de Pavlov. Ils grognent et jappent dès qu'ils entendent quelqu'un jeter un doute, un tout petit doute de rien du tout, sur leur foi.
Ce n'est pas de leur faute: c'est comme une maladie. Ils réagissent exactement comme quelqu'un qui est allergique aux arachides. Une petite parcelle de critique, et paf! tout leur système se ferme. Ils cessent de réfléchir et se mettent à baver.
Pourquoi je vous écris tout ça? Parce que mes dernières missives concernant la paresse intellectuelle de certains de mes compatriotes m'ont valu un «char de marde» de la part des adeptes du père d'Elvis Gratton, qui grimpent dans les rideaux dès que quelqu'un quelque part ose dire des méchantes choses sur les pôvres Québécois. Remarquez, c'était prévisible. C'est comme une réaction chimique. À la limite, je trouve même ça réconfortant. Le ciel est bleu, l'herbe est verte, les indépendantistes ont la peau courte et s'énervent le poil des jambes dès qu'on refuse de blâmer Ottawa et les maudits anglais pour les problèmes qui assaillent la société québécoise. C'est dans l'ordre naturel des choses. Le contraire m'inquièterait.
Pour eux, le monde est simple. Le ciel est bleu, l'enfer est rouge. Les francophones sont de pauvres victimes, les anglophones sont de méchants bourreaux. Si un anglo est raciste, c'est parce que les anglos sont tous des écoeurants. Si un franco est raciste, ce n'est pas de sa faute, il faut le comprendre, il craint pour sa culture, le pauvre, il grelotte, le soir, lorsqu'il entend son voisin pakistanais parler anglais…
Bref, c'est la pensée mécanique. Lise Payette, version patriote. Vous remplacez les femmes par les francos, et les hommes par les anglos, et le tour est joué. Vous avez un beau petit monde en noir et blanc. Comme dans un film de John Wayne!
Ça doit être réconfortant d'envisager le monde sous cet angle.
Malheur à nous qui refusons de voir la lumière…
Le salut au drapeau
Richard Martineau