BloguesRichard Martineau

La peste terroriste

Des terroristes tchétchènes détiennent actuellement des enfants en otage. Des enfants, bordel!
Ils ont beau dire que leur cause est juste, rien ne justifie leur acte.
Si, comme moi, la question du terrorisme vous ébranle (et vous révolte) au plus profond de votre être, je vous suggère fortement de lire Réflexions sur le terrorisme, un recueil de textes d'Albert Camus édité chez Nicolas Philippe.

Pour Camus, aucune position morale ne peut justifier le recours au terrorisme. «Quelle que soit la cause que l'on défend, elle restera toujours déshonorée par le massacre aveugle d'une foule innocente», a-t-il écrit.

La phrase vaut la peine qu'on la répète: «QUELLE QUE SOIT LA CAUSE QUE L'ON DÉFEND, ELLE RESTERA TOUJOURS DÉSHONORÉE PAR LE MASSACRE AVEUGLE D'UNE FOULE INNOCENTE.»

Cette phrase de Camus, on devrait se la faire tatouer sur le bras pour ne jamais l'oublier. De même, nous devrions tous relire ces lignes que Camus a écrites au début de la guerre d'Algérie:

«Lorsque la violence répond à la violence dans un délire qui s'exaspère et rend impossible le simple langage de raison, le rôle des intellectuels ne peut être, comme on le lit tous les jours, d'excuser de loin l'une des violences et de condamner l'autre, ce qui a pour double effet d'indigner jusqu'à la fureur le violent condamné et d'encourager à plus de violence le violent innocenté. Une droite perspicace, sans rien céder sur ses convictions, eût ainsi essayé de persuader les siens de la nécessité de réformes profondes. Et une gauche intelligente, sans rien céder sur ses principes, eût de même essayé de persuader le mouvement arabe que certaines méthodes étaient ignobles en elles-mêmes. Mais non. À droite, on a, le plus souvent, entériné au nom de l'honneur français, ce qui était le plus contraire à cet honneur. Et à gauche, on a le plus souvent, et au nom de la justice, excusé ce qui était une insulte à toute vraie justice.»

Voici des mots d'une très grande sagesse, qui résonnent avec autant de pertinence que lorsqu'ils ont été prononcés pour la première fois, il y a 50 ans. On devrait les ressortir chaque fois qu'un intellectuel prend la parole pour tenter de justifier les actes ignobles d'un quelconque groupe terroriste. Chaque fois qu'un chroniqueur dit: «Oui, c'est dégueulasse le terrorisme, mais…» Chaque fois qu'une militante lance: Oui, c'est dégueulasse le terrorisme, mais…» Chaque fois que quelqu'un condamne la boucherie des uns, tout en excusant celle des autres.

Camus a toujours vécu dans l'ombre de Sartre. Mais pendant que l'auteur de La Nausée baissait les paupières devant l'horreur des camps staliniens, sous prétexte que la cause était noble, l'auteur de La Peste, lui, gardait les yeux ouverts. C'est tout à son honneur.

«Chacun s'autorise du crime de l'autre pour aller plus avant, écrivait Camus, en parlant des colons français et des rebelles algériens. Mais, à cette logique, il n'est pas d'autre terme qu'une interminable destruction.»