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Jeu de la morale 1: réponses

Quelques réponses à mon premier jeu de la morale qui portait sur l'utilisation de la torture (voir le 30 août). Prochain jeu: demain.

Yves Bolduc:
«D'un point de vue éthique nous devons aborder le problème sous l'angle du bien commun. Nous devons donc nous en remettre aux règles internationales. Moralement, l'ONU est la seule entité pouvant représenter en ce moment le bien commun de l'ensemble des sociétés qui y ont adhéré. L'ONU a adopté en assemblée générale en 1984, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui entra en vigueur le 26 Juin 1987.
Les obligations figurant à l'article 2 (en vertu duquel «aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, ne peut être invoquée pour justifier la torture»), à l'article 15 (interdiction d'invoquer comme élément de preuve des aveux obtenus par la torture, si ce n'est contre la personne accusée de torture)
et à l'article 16 (interdiction de tous actes constitutifs de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants) ne sont pas susceptibles de dérogation et doivent être respectées en toute circonstance.
"Terroriser les terroristes" c'est un euphémisme puisque les terroristes se croient déjà terrorisés et que la peur de la mort ne fait pas partie des paradigmes de ces martyrs. Une fois ces exactions connues, elles ouvriront sur des pertes humaines encore plus considérables. Notre homme a le devoir de sauver toutes les vies qu'il peut mais pas au prix de générer le chaos qui en résulterait. Là, il joue à Rambo. Je sais que ça plait assez à beaucoup de gens frustrés qui croient que seule la violence peut avoir raison de la violence mais c'est immoral.»

Joël Naggar:
«C'est clairement une question très difficile; le respect de la loi ou celui de la vie. Peut-il être légitime, dans des circonstances extrêmes de ne pas respecter ses propres règles pour protéger des vies? Je pense que non.
Tout d'abord, parce que comme l'a dit Rousseau, je crois, qu'entre la loi et la nature, c'est la loi qui libère et la nature qui opprime. Ne pas respecter la loi, qui plus est quand on est a son origine, c'est prendre le risque de l'arbitraire, de l'insécurité.
Qui sera à même de déterminer les circonstances qui justifient de telles exceptions? Quelle valeur la loi tire-t-elle lorsqu'elle est ainsi bafouée? Comment se sentir protéger?
Cela fait partie des raisons pour lesquelles je suis opposé à la peine de mort.»

Patrick Bonin:
«Si le fait de tuer un de ces Tigres tamouls pouvait arrêter définitivement le terrorisme au Sri lanka et partout dans le monde, je serais d'accord à 100 %. Mais nous savons tous qu'il n'en est pas ainsi. Lorsque les Tigres tamouls apprendront que Thomas a descendu un des leurs pour désamorcer la bombe, ils voudront se venger en posant une autre bombe et notre héros Thomas tuera à nouveau pour sauver des vies. Des générations passeront, mais le problème perdurera. Certes des vies innocentes auront été sauvées, mais à quel prix?
En d'autres mots, sachant que la majorité des actes criminels et terroristes sont souvent perpétrés à cause de grandes inégalités sociales et idéologiques, je crois qu'il existe d'autres chemin pour régler ces fléaux.»

Christian Robitaille:
«Question effectivement épineuse: une institution qui doit être exemplaire peut-elle poser un geste interdit par la loi ? En soit oui, car depuis Machiavel on sait que le but du «gouverneur» est d'agir pour les intérêts du plus grand nombre. Alors on doit pouvoir torturer pour sauver le plus grand nombre.
Par contre, lorsque Thomas affirme que «la seule façon de vaincre le terrorisme est de terroriser les terroristes», j'entrevois un important dérapage: depuis 9/11, n'importe qui est affublé du titre de «terroriste». Avec la paranoïa qui court, j'imagine facilement un gouvernement pratiquer la torture à gogo, en toute impunité, sous prétexte que les victimes de ses bourreaux sont, à ses yeux, des terroristes.
Hamas, Sinn Fein, B'nai Brith, Al-Qaïda, FLQ, ETA, Raéliens: tous dans le même panier! Selon le point de vue du gouvernement en place, vous êtes des ennemis de la nation, on peut vous torturer pour le bien-être de la communauté…
Et si le supplicié ne savait pas? Thomas a foutu une balle dans la tête d'un gars qui a caché des informations. Mais si les trois Tigres Tamouls avaient été écartés du secret de la bombe et qu'ils n'avaient réellement rien su du complot, l'État aurait été l'auteur d'un meurtre gratuit! Quel bel exemple pour nos jeunes, ça pourrait faire un slogan: Speak or die! D'ailleurs, n'était-ce pas ce comportement qui prévalait à l'époque de l'Inquisition, cette période que nous qualifions aujourd'hui de sombre, de barbare et de cruelle?»

Hugo Clermont:
«Je crois que le meilleur moyen de résoudre un conflit est de communiquer, de négocier. Si chacun des intervenants impliqués a pour objectif de résoudre le conflit, chacun acceptera de concéder certaines choses pour y arriver. Chacun y perdra un peu, mais y gagnera aussi.
Le problème se pose lorsqu'un des intervenants refuse le dialogue. Le conflit passe alors à un stade animal et se résout par un rapport de force (bagarre, torture, guerre, exécution, etc.) où le plus faible finira inévitablement par se soumettra à la volonté du plus fort.
La stratégie de la torture n'est pas bien ou mal en elle-même. Elle est mal dans une position d'offensive, mais elle peut être justifiée dans une position de défensive, si elle constitue le seul moyen de survivre.
Je ne me suis jamais battu et je ne crois pas que la bagarre soit une bonne façon de régler un conflit. Cependant, si un jour je me retrouve dans une situation où le refus de me battre pourrait mettre ma vie ou ma santé (ou celle de mes proches) en jeu, la bagarre deviendra alors un moyen de survie et s'imposerait d'elle-même comme la seule solution possible.
Je ne crois pas que le terrorisme existe pour sa propre finalité. Il constitue plutôt une réponse à un dialogue à sens unique (parlez-en aux Américains…).
Le terrorisme, c'est un peu comme une grosse scène de ménage. Il survient lorsque la limite est atteinte. Il est alors temps, après avoir réglé la crise, de remettre certaines choses en question et de procéder à des changements en profondeur. Je ne parle pas ici de renforcer la sécurité nationale, mais plutôt de revoir les politiques (intérieures et extérieures) du pays et surtout de se demander pourquoi certains groupes ne croient plus au dialogue avec nous…»

Jean-Philippe Berthold:
«Les terroristes ont le fâcheux défaut de ne pas être une armée identifiable en uniforme qui attaque d'autres armées en uniformes. Ils se cachent parmi la population et frappent des innocents. On peut reprocher beaucoup de chose aux États-Unis, mais au moins leur armée frappe honnêtement. Avec une totale disproportion de force et de technologie, mais honnêtement…
Ma réponse au jeu, c'est une question de priorité… Qu'est-ce qui importe pour une société aux prises avec le terrorisme: demeurer ce qu'elle est et lutter avec les armes pré-établies ou éviter le plus grand nombre de victimes possible?
La réponse la plus simple est sans doute la seconde, car que vaut une société avec ses belles valeurs et institutions si elle refuse de prendre tous les moyens possibles pour protéger ses citoyens?
Mais à l'inverse, que reste-t-il d'une société si elle renie ses valeurs, ses lois, ses normes pour protéger ses habitants?
Tout de même, je conçois la société comme un ensemble qui doit servir ceux qui la composent et non l'inverse. Ainsi, je considère que faute de mieux, il faut terroriser les terroristes.
Cela comme un dernier recours et non comme une méthode systématique. Même si c'est précisément s'abaisser au niveau barbare des terroristes. Personnellement, je préfère massacrer des principes qu'avoir des morts sur la conscience.»