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Le travail humanitaire en danger

Un lecteur, Jean Robert Bourdage, m'a fait parvenir une lettre que le directeur général de Médecins sans frontière Canada a écrite suite à l'assasinat de 5 de ses collègues en Afghanistan. Cette lettre soulève des questions extrêmement pertinentes sur les rapports entre l'armée, la politique et l'aide humanitaire.
Je vous encourage fortement à la lire…

«Le pire est arrivé. Cinq de nos collègues de MSF on tété tués dans une embuscade, dans un village isolé de l'Afghanistan, un pays où nous travaillons de puis 25 ans.

Je suis indigné par cette attaque contre des travailleurs humanitaires sans défense, dont le crime était de d'avoir prodigué des soins médicaux à des gens dans le besoin. Aucune erreur n'était possible quant à l'identité de ces personnes. Pourtant, dans les 24 heures qui ont suivi, les Talibans ont revendiqué la responsabilité de l'attaque, déclarant que les volontaires «travaillaient au compte de l'Amérique».

Ma colère face ces pertes insensées est nourrie par le fait que ces assassinats barbares n'étaient pas dissociés des actions entreprises par les gouvernements occidentaux, y compris le nôtre, puisque ceux-ci tentent de récupérer l'aide humanitaire a des fins politiques et militaires.

Ainsi, lorsque le Secrétaire d'État américain déclare que les acteurs humanitaires sont des «multiplicateurs de force» pour les militaires de la coalition, la distinction entre nos actions et celles des militaires et des autorités politiques est confondue, et cela n'aide pas.

Lorsque les bombardiers américains larguent des bombes à dispersion et des rations de nourriture, les deux emballés de plastique jaune, cela n'aide pas.

Lorsque les soldats s'habillent de t-shirts, cachent leurs armes et distribuent de la nourriture, cela n'aide pas.

Lorsque la coalition largue des feuilles qui invite les Afghans à «communiquer toute information concernant les Talibans, al-Qaeda et Gulbaddin aux forces de la coalition. pour pouvoir continuer à bénéficier de l'aide humanitaire», cela n'aide pas.

Lorsque les ONG consentent à mener leurs activités sous la protection des militaires, cela n'aide pas.

Lorsque les chefs militaires et politiques au Canada, aux É.-U. et au R.-U. parlent de l'aide humanitaire comme d'un élément clé dans la bataille pour gagner «les cours et les esprits» du peuple afghan, cela n'aide pas.

Lorsque les politiciens canadiens suggèrent que nous devenions des espions puisque nous travaillons de si près avec les gens, cela n'aide pas.

Évidemment, lorsque des extrémistes tuent de sang froid cinq travailleurs humanitaires qui ne tentaient que de soulager les souffrances de gens qui sont parmi les plus démunis de la terre, et bien parbleu, cela n,aide certainement pas!

C'est une véritable érosion de «l'espace humanitaire» et cette perte d'espace a entraîné la mort de nos amis et collègues, l'interruption et puis la diminution de toutes nos activités en Afghanistan et la perte de toute aide pour le peuple de l'Afghanistan."

– David Morley, directeur général MSF Canada