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Le monde selon Bush

Donc, j'ai vu Le Monde selon Bush, le fameux documentaire de William Karel qui, dit-on, est meilleur que Fahrenheit 9/11 de Michael Moore. «Si Fahrenheit 9/11 a remporté la Palme d'or, Le Monde selon Bush en mériterait trois!», a dit Le Monde.
Rien de mieux qu'un Français pour se péter les bretelles…
Alors? Alors c'est bien. Très bien, même. Niveau contenu, s'entend. Car niveau forme, c'est le degré zéro du cinéma. Deux heures de talking heads, c'est tout. Le réalisateur a braqué sa caméra vidéo sur le visage d'une quinzaine de personnes, et il les a laissé parler. Ensuite, il a monté tout ça en ordre chronologique.
Résultat: un cours didactique fascinant sur la présidence de George W. Bush. Tout est là: des élections volées en Floride (gracieuseté du frère de Georgie), jusqu'au rapport de la Commission sur les attaques du 11 septembre, qui pourfend la politique mensongère de Dubya. Entre vous et moi, on voyait déjà tout ça dans le film de Moore. Mais là, au moins, ça a la qualité d'être clair. Et les intervenants sont costauds: le grand patron du mystérieux Carlyle Group, des agents de la CIA, un ex-ambassadeur américain en Irak, un conseiller de Reagan, l'écrivain Norman Mailer, un conseiller de George W. Bush, un historien, un philosophe, un journaliste du Washington Post, etc.
À la fin du film, les lumières s'allument dans la salle et le distributeur monte sur la scène. «Parlez du film à vos amis, dit-il. Et n'oubliez pas ce qu'a dit Le Monde: Si Fahrenheit 9/11 a remporté la Palme d'or, Le Monde selon Bush en mériterait trois!»
Oui, ça va, on avait compris, vous nous l'avez sortie juste avant la projection. Le documentaire anti-Bush que vous distribuez est meilleur que le documentaire anti-Bush distribué par votre compétiteur. O.K., c'est reçu 5 sur 5. J'espère vraiment que vous pourrez faire beaucoup de sous, vous aussi. Après tout, l'industrie anti-Bush, c'est comme la reconstruction de l'Irak: une chance en or de passer Go et de faire du fric.
Un spectateur assis derrière moi m'apostrophe: «C'était pas mal mieux que le film de Michael Moore, non?»
Excusez-moi, mais je ne comprends pas. Pourquoi comparer les deux films? Les deux tapent sur le même clou, les deux frappent la même cible. Tant mieux, non? On devrait s'en réjouir! Applaudir des deux mains! Pourquoi descendre l'un pour remonter l'autre? C'est quoi cette manie masochiste qu'a la gauche de toujours se diviser?
Les Démocrates vont bien? Vite, présentons Ralph Nader au Parti Vert, histoire de bien diviser le vote!
C'était la même chose dans les années 60-70. Alors que la droite faisait front commun, la gauche, elle, s'entredéchirait entre Marxistes, Léninistes, Trostkystes, Maoïstes, Socialistes, et j'en passe.
Et aujourd'hui, dans le combat anti-Bush, il faut choisir entre Fahrenheit 9/11 ou Le Monde selon Bush. Dieu du ciel!!!
Les deux se complètent. Moore fait dans l'émotion, William Karel fait dans l'analyse. Voyons les deux! Et si un troisième se pointe, voyons les trois! C'est quoi, le problème?
Le film de William Karel mérite trois Palme d'or? Bof, si vous le dites. Pourquoi pas quatre, tant qu'à faire? Je ne savais pas que la chasse anti-Bush était en fait une course aux prix.
Décidément, il n'y a plus rien qui me surprend…