Demain, le nouveau disque de Leonard Cohen (Dear Heather) sera disponible «dans tous les bons disquaires». Je ne sais pas pour vous, mais moi, me sens comme un gamin la veille de Noël.
Car il a beau avoir 70 ans, et vivre dans un monastère bouddhiste retiré du monde, Cohen est l'un des plus grands poètes vivants. Même Ten New Songs, son opus précédent qui a dérouté (avec raison) une bonne partie de la critique, contenait quelques petites perles. Comment ne pas frissonner de plaisir en écoutant A Thousand Kisses Deep?
Tous les spécialistes de musique l'affirment: Cohen est un génie, l'un des Grands de la chanson. Son album The Future était un pur chef-d'ouvre, un portrait absolument brillant de notre monde. Pourtant, on ne trouve aucune rue, aucun parc, aucune ruelle portant son nom à Montréal.
À Outremont, on trouve une rue Antonine-Maillet, du nom d'une auteure qui a passé les trois quarts de sa vie en Acadie. Mais à Montréal, ville de naissance d'un des plus grands auteurs-compositeurs vivants, aucune place publique ne porte le nom de Leonard Cohen.
Vous savez pourquoi. Oui, oui, vous le savez, ne faites pas semblant…
Il n'y a pas de rue Leonard-Cohen parce que Leonard Cohen ne parle pas la bonne langue, voilà. Chanterait-il en français qu'on lui dédierait une ville et sculpterait son visage dans le mont Royal.
Mais voilà, un artiste anglophone ne peut être 100 % québécois, même s'il a passé toute sa vie ici, et qu'il a vanté les charmes de Montréal dans ses poèmes, dans ses romans, dans ses chansons. Il n'est pas des nôtres, car il n'a pas dit Tabarnac comme les autres…
Si ce n'est pas du racisme, je me demande ce que c'est.
Dommage pour lui. Si l'auteur de Suzanne avait fait sa carrière en espagnol ou en italien, le gouvernement provincial lui aurait déjà décerné trois médailles. Mais Leonard Cohen a la mauvaise habitude de chanter en anglais. Alors on l'ignore. Poliment.
On l'écoute lorsque la porte est fermée, certes (après tous, nos politiciens sont cultivés, et parfaitement bilingues), mais on ne lui donnerait jamais l'accolade.
Shame on Us.
Honte à nous
Richard Martineau