Des réactions à la lettre de Joanie Maihot concernant l'émission Tête à Kat, qui montrait aux jeunes comment se masturber (Masturbez-vous, 24 novembre).
Daniel Martin:
«Joanie Mailhot parle comme un Texane. Ne dites rien à votre enfant, madame, et fermez votre télé: les premières choses qu'il apprendra au sujet de la sexualité s'inspireront des images qu'il aura vues sur Internet.
Arrêtez de penser qu'en tant que parents, vous avez des compétences spéciales infuses! Le lot de conneries que les parents disent à leurs enfants est effarant. La TV fait sûrement un meilleur job. «Il aurait probablement entendu ça!» Houuuuu… Quel drame! Une raison pour qu'il ne vous demande pas la permission avant de commencer à se masturber! Ça ne fait pas mourir personne, les seins, le cul et le reste! Si votre enfant est trop jeune pour comprendre, il va juste passer à autre chose et aller jouer dans le jardin.»
Yves Bolduc:
«Chère Joanie, bien que je puisse comprendre votre réaction, j'ai de la difficulté à l'accepter. Parce qu'elle témoigne d'une certaine méconnaissance de l'apprentissage sain de la sexualité chez les jeunes.
Personne ne peut forcer quelqu'un à se masturber (légalement bien sûr). L'enfant qui a une libido finira par la manifester de toute manière, avec ou sans connaissance sur le sujet.
S'il a déjà entendu parler de la masturbation autrement que sous l'angle de la culpabilité religieuse ou de la mécanique platement biologique, il y a plus de chance que votre enfant se développe sexuellement d'une manière saine.
C'est au jeune âge que le rapport au sexe se définit. Ne jetons pas dans ce retour de pendule post-révolution sexuelle les acquis qui ont mené à l'épanouissement personnel et social de la génération des baby-boomers.
Il n'y a rien de dangereux dans ce genre d'émission. La masturbation est un sujet tabou qui ne devrait pas l'être. Tous les individus et toute la société gagneront à parler librement de ces choses. Il faut se défaire de cette fausse pudeur qui cache trop souvent un mal-être qu'il ne faut pas perpétuer.»
François Doyon:
«Il faudrait rappeler à madame Mailhot que nous savons depuis Freud que les enfants et même les nourrissons ne sont pas des êtres asexués et angéliques tels que le voudrait la civilisation chrétienne bien-pensante: les bébés garçons ont des érections et les bébés filles des lubrifications vaginales. Selon moi, il est tout à fait normal de laisser la télé expliquer la masturbation aux enfants.
C'est même nécessaire d'en parler afin d'éviter que, comme par le passé, la sexualité des enfants soit empreinte de culpabilité. Il est désolant de voir que nos sociétés hypocrites préférent le marchandage du sexe que nous offre la téléréalité à un discours sain et franc sur la sexualité.»
Samuel Landry:
«Je ne suis pas psychologue pour enfants et je ne sais pas quel est l'âge recommandé pour commencer à s'adonner aux plaisirs solitaires. Mais je me fie à mon expérience personnelle. Depuis l'âge de neuf ans, je m'adonne à cette pratique, et je ne crois pas être devenu un désaxé sexuel! On aimerait croire qu'on est une sexuellement libéré; or, plus le sexe devient un marché, plus l'information et l'éducation prennent du recul.
Prenons le temps de dire à nos enfants qu'il est bon de s'accepter, de s'interroger, de se connaître et surtout d'apprécier la vie et ses milles et un plaisirs. C'est hédoniste, mais c'est bon!»
Michaël Dubé
«Les gens sont hypocrites. S'il y a une chose de naturel, c'est la masturbation. C'est la découverte de son corps, du plaisir, de la satisfaction. Moi aussi, j'ai vu l'émission Tête À Kat. J'ai entendu une fille demander des conseils sur la façon de se masturber. Et bien, je me suis senti triste. Pas triste parce qu'on parlait de ça à la télé, mais triste parce qu'une fille a dû demander de l'aide pour savoir comment se donner du plaisir.
Pourquoi la masturbation est-elle aussi tabou? On voit des corps morts partout à la télé, on voit des édifices exploser tuant des milliers de personnes, des droguées donner libre cours à leur dépendance, mais si on a le malheur de parler d'une des plus belles choses pour se donner un peu de plaisir, on en fait un drame. Pourtant, c'est sain, non violent et tout à fait naturel.
Moi je dis: Laissez-vous aller, masturbez-vous! La masturbation est une étape naturelle pour passer à la prochaine étape: faire l'amour.»
Catherine Voyer-Léger:
«Je veux juste souligner à votre lectrice qu'il y a en effet de nombreuses cultures où la masturbation est enseignée. Elle n'est pas enseignée comme un acte sexuel, mais comme un acte privé, pudique, qui permet de soulager certaines douleurs et qui facilite aussi le sommeil.
Je pense que le débat ne devrait pas être 'Doit-on ou non parler de masturbation aux jeunes?', mais plutôt 'Peut-on libérer la masturbation de son côté sexuel, cochon et pervers?' Les préadolescents qui se masturbent n'ont pas nécessairement une pensée érotique ou amoureuse. Ils le font sans même savoir ce qu'ils font, juste pour se soulager.»
Gilles Chartrand:
«Madame Mailhot, dans l'excellente revue "Cerveau et psycho" de nov.2004, un article nous informe que des spécialistes américains veulent interdire la peine de mort pour les adolescents car le cerveau n'a pas encore fini de se former (ce qui se produit vers l'âge de 20 ans).
Si un jeune homme de 18 ans ne peut
être exécuté pour avoir tué ses parents sous prétexte que son cerveau n'a pas encore atteint son "stade final", comment le cerveau d'un
enfant peut-il recevoir et analyser adéquatement de l'information sur la masturbation?
Vous avez raison d'être offusquée. Je crois avoir l'esprit très ouvert; cependant, je n'aurais jamais accepté que mes jeunes enfants subissent une telle situation. Trop d'information (ou une information inappropriée) n'est guère mieux que pas assez.»