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Encore Kinsey

Hier, je vous disais tout le bien que je pensais du film Kinsey (Un film à voir absolument). Je veux encore y revenir. Ça fait une semaine que je l'ai vu, et il me trotte encore dans la tête.

Voyez-vous, ce film a beau se passer dans les années 50, il demeure toujours actuel. Comme l'a écrit le critique de Rolling Stone, Peter Travers, en regardant ce film, on se rend compte à quel point on n'a pas avancé, côté sexe. On reste toujours aussi pogné. Surtout chez nos voisins du Sud.

Vous me direz qu'il y a du cul partout aux États-Unis. Effectivement, le sexe est omniprésent dans les médias. Mais c'est le propre des sociétés puritaines que de célébrer le cul tout en le réprimant.

Malgré ses airs de libéralisation, la société américaine est l'une des plus puritaines au monde. Vous pouvez montrer une femme se faire tirer dans le ventre aux heures de grande écoute, mais pas une femme en train de se faire caresser les seins. L'expression de la violence est permise, voire encouragée, mais pas celle du désir.

En fait, on pourrait dire que la violence permet aux Américains de canaliser leur énergie sexuelle. Au lieu de faire gicler le sperme, ils font gicler le sang. Pourquoi pensez-vous que la plupart des tireurs fous qui vident leur chargeur dans des centres commerciaux, dans des écoles ou dans des bureaux sont des hommes solitaires dans la force de l'âge?

On aurait tort de sous-estimer les conséquences désastreuses du refoulement du désir sur les individus qui sont déjà socialement et politiquement aliénés. Vous me ferez remarquer que les sociétés musulmanes orthodoxes répriment le sexe, et qu'elles n'ont pourtant pas de problèmes de tireurs fous ou de snipers qui pètent des plombs sur leur lieux de travail. Mais les musulmans orthodoxes canalisent leur énergie sexuelle autrement, dans la ferveur religieuse. La religion, dans ces sociétés, joue un rôle de soupape, d'exutoire. Alors qu'aux États-Unis, ce n'est pas le cas.

Et puis, entre vous et moi, comment pensez-vous qu'on crée un terroriste? On contrôle sa sexualité, on le réprime au max, et on lui dit que s'il se fait sauter, il aura des blow jobs pour l'éternité. C'est la base même du mysticisme. (Pensez aux martyrs cathos qui atteignaient le nirvana en se fouettant ou en se faisant torturer. La sexualité et la violence ont toujours été intimement liées, les pulsions violentes prenant le relais des pulsions sexuelles lorsque celles-ci ne pouvaient pas s'exprimer en toute liberté.)

Comme l'écrivait le psychanalyste Wilhelm Reich dans son célèbre ouvrage La Révolution sexuelle (publié dans les années 30!):

"Un fort instinct naturel ne peut être éliminé, mais à la rigueur dévié ou altéré. La continence refoule la pulsion sexuelle. Il peut en résulter beaucoup de fanatisme et de bizarrerie, de haine et d'érotisme en imagination."