Isabelle Bégin:
«Ces lettres que vous publiez transpirent la mauvaise foi. Bien sûr que Marc Lépine était un détraqué… personne ne remet ça en cause! Mais quand un détraqué pose un geste qu'il qualifie lui-même de POLITIQUE, que ce soit Marc Lépine, Hitler, Oussama Ben Laden ou qui que ce soit d'autre, on se DOIT de se poser des questions et de prendre ça au sérieux!
Pourquoi les gestes de personnes détraquées qui s'en prennent à la population en général SONT pris au sérieux, mais lorsqu'il s'agit d'un détraqué qui s'en prend aux femmes, là, tout à coup, ce n'est plus pareil??? On devrait mettre des fleurs près de Poly une fois par année et c'est tout? Voyons donc!
Je ne crois pas et je n'ai jamais cru que TOUS les hommes étaient responsables du geste de Marc Lépine. Je n'ai jamais cru que les étudiants masculins de Poly ont été lâches cette journée-là, au contraire. Mais que Lépine ait été un détraqué ou pas ne change rien à l'affaire! La question qu'il faut se poser, c'est comment éviter qu'une personne fragile et malade se sente menacée par la présence des femmes dans la société au point de vouloir les tuer!
Et à cela, il y a deux réponses: identifier les personnes malades et les traiter, ainsi que rendre la présence des femmes dans tous les secteurs tellement normal que personne ne pourrait y voir une menace. Ces auteurs de lettres occultent le vrai problème en tentant de prouver ce que tout le monde sait déja: les femmes ne sont pas mieux que les hommes… Ni pires, d'ailleurs! Oui, IL Y A des questions à se poser sur le féminisme, sur la place des hommes et des femmes, sur les relations entre les sexes. Mais cette façon de faire frise la malhonnêteté intellectuelle et l'immaturité. Et non, je ne parle pas d'immaturité "purement masculine", je parle juste d'immaturité, bordel!»
Catherine Proulx:
«La première chose qui m'est venue à l'esprit en lisant votre entrée du 6 décembre, c'est "Mais voyons donc, ce n'est pas du tout la même chose!". Personne n'a jamais nié que les femmes étaient capables d'actes cruels et meurtriers – personne de sérieux, en tout cas. Là où est la différence, c'est que Lépine a tué des jeunes femmes non seulement parce qu'elles étaient des femmes, et parce qu'elles étudiaient dans un domaine d'hommes.
Oui, bien entendu, c'était un déséquilibré. Mais selon moi, son geste s'apparente plus au terrorisme qu'à une folie meurtrière aléatoire. Cette haine des femmes qui refusent de se conformer aux attentes de la société – appelez ça des féministes si vous le voulez – avait ses racines quelque part et c'est cela, d'abord et avant tout, qu'il faut dénoncer.
Encore maintenant, une jeune femme qui fait des études en génie va devoir se taper des remarques sexistes. Certains vont sous-entendre qu'elle est là par faveur, qu'elle a eu un stage convoité parce qu'elle est jolie ou qu'elle a fait des avances au patron, ou à l'inverse on lui dira qu'elle manque de féminité, qu'elle est frustrée sexuellement, parce qu'elle tiendra son bout dans une discussion technique. (Ce sont tous des exemples que j'ai vécus personnellement au cours de mes études en génie… et non, je n'étais là ni par faveur, ni parce que j'étais garçon manqué)
Ce n'est évidemment pas la majorité des jeunes hommes qui pensent comme ça. Mais il en reste, de la même manière qu'il reste du racisme, et c'est pour moi aussi absurde de condamner le féminisme en bloc ("Les femmes sont maintenant égales aux hommes, que voulez-vous de plus?") que ce l'est de dire que le racisme n'existe plus ("Il y a la charte des droits et libertés, pourquoi vous vous plaignez?").»
Pierre Tessier:
«Voilà une tactique fréquemment utilisé en débat politique ou autre. La longue liste d'anecdotes qui crée l'impression d'un phénomène général. Tout ceci ne résiste simplement pas à l'analyse froide des statistiques concernant les crimes violents. Les femmes bien qu'elles soient en "progression" restent à des années-lumière des bêtes que nous sommes.
Oui , il y a encore beaucoup de chemin à faire pour éliminer le fléau de la violence faite aux femmes. On a l'impression qu'il ne passe pas une semaine sans qu'un énergumène dépassé par la vie ne choisisse d'entraîner avec lui, femmes et enfants dans sa folie homicidaire-suicidaire. Ou encore un autre qui tue son ex dans une rage incontrôlable. Et on appelle çà un crime "passionnel"…
À quelque part , dans la tête de ces gars-là , il y a un mécanisme qui leur fait croire que c'est "correct" à un quelconque niveau de raisonnement. C'est ce que l'on doit dé-construire dans la tête de nos garçons. Ici comme ailleurs, l'éducation qu'on donne à nos enfants est sans doute le seul moyen d'apporter une évolution des mentalités.»
Mylène Barrette:
«Devrait-on excuser le crime de Lépine et le banaliser parce qu'il y a eu des femmes criminelles dans l'histoire et qu'il y en aura toujours?? Le crime n'a pas de genre. Vraiment, je suis complètement dégoûtée! M. Gagnon parle de récupération malsaine de cet événement faite par des groupes féministes. Qu'est ce que son texte, sinon de la récupération?? On devrait effacer le drame de la Polytechnique sous prétexte que les femmes tuent aussi?? Mais ce n'est pas cela le propos!!
Vous dites que les féministes dramatisent, M. Gagnon?? Que diriez-vous si une femme entrait dans une une réunion de préposés aux services de garde et tuaient tous les hommes sous prétextes que leur place est au chantier ou à l'usine?? Vous ne réagiriez pas??
Voulez vous que je vous sorte une liste de criminels masculins qui ont sévi dans l'histoire? Vous saurez que je me souviens aussi, tous genres confondus!! Et si j'entrais dans une pièce et que je tuais tous les gauchers (ah ces gauchers, marqués par le diable), ce ne serait pas tellement grave, il doit bien y avoir quelques criminels dans l'histoire qui sont gauchers!!! Eux aussi ont tués, alors n'en parlons plus!
M. Boucher nous demande pourquoi commémorer la tuerie de la Polytechnique?? Pourquoi?? Je le répète, ces 14 femmes sont mortes parce qu'elles étaient des femmes. Point. Leur vie s'est interrompue soudainement et dans l'horreur parce qu'elles étaient des femmes. N'est pas une excellente raison? Eh bien messieurs les masculinistes, vos textes rétrogrades et plein de rancoeur me font dire qu'il ne nous faut jamais, jamais oublier!»
Pascale Vaillancourt:
«Ce que je pense de ces commentaires, c'est qu'il y aura toujours des gens qui vont s'évertuer à vouloir séparer l'espèce humaine en deux clans, selon le sexe, et qui passeront leur vie à vouloir prouver à l'autre clan leur supériorité et feindre de leur côté d'être blanc comme neige (pour mieux jouer les victimes?).
Ce n'est pas comme ça que ça marche, on est tous une bande de lions lâchés lousses dans la savane.»