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Le nouvel esclavage: réaction

"Après avoir lu votre commentaire sur Le nouvel esclavage, j'avais comme une impression de déjà vu, comme si j'étais projeté dans mon propre passé. Alors voila:

J'ai 25 ans et j'en avais alors 22. De métier, je suis programmeur-analyste et à ce moment là j'en avais un peu ras le bol des régions et je suis déménagé à Montréal. Je me trouve donc un emploi assez rapidement dans une petite boîte de développement Internet affilié à une boîte de pub qui marche assez fort.
Ce n'est pas la table de massage et le chef cuisinier, mais il y a de bons avantages tout de même.

En gros, nous avons un très gros client qui nous fait vivre et quelques petits qui nous arrondissent les fins de mois. À mon arrivée, il y a 3 autres programmeurs. Un peu de temps après, celui qui travaille au même bureau que moi est remercié. Passent quelques mois et je deviens premier programmeur, passant par dessus les deux autres qui ne travaillent pas du même bureau.
À leur tour ils se font remercier, pour les remplacer, on me flanque deux stagiaires sortis de l'école et un programmeur qui ne s'y connaît pas du tout dans les nouvelles technologies de programmation.

Résultat: je travaille comme un fou. Quand LE client demande, on répond tout de suite.

Avant de me retrouver premier, mes semaines ressemblaient à 70 heures au bas mot; après, 80-90. Je quitte mon appartement vers les 6h30 et j'y reviens régulièrement après 2h. Mais je suis "tellement important pour la compagnie" et on m'en promet tant et tellement que je me dis "après le rush… ".

Sauf que le rush, il ne finit jamais.
J'indique à mon patron que je sens que je dois ralentir. Réponse: "Après le rush." – celui-là même qui dure depuis que j'ai été engagé.

Survient ce qui devait survenir, un jour je me mets à trembler, je suis blanc comme un drap et j'ai peine à marcher: épuisement professionnel. J'ai à ce moment 23 ans et je suis au bord du burn out.
Je prends une semaine de congé (à mes frais) chez ma famille en région, et lorsque je rentre, on m'annonce que je ne suis plus requis par la compagnie. Il semblerait que "mon travail ne soit plus le même depuis quelque temps". Ils ont siphonné le jus puis se sont demandé pourquoi il n'en restait plus une goutte!
Comme quoi la vigueur de la jeunesse a ses limites…"

– Pascal Landry