Un commentaire très intéressant d'un lecteur, Éric Coulombe, sur le massacre de Poly.
"Intéressant de lire tous les commentaires sur la tuerie de Polytechnique. Révélateur de voir que la plupart des points de vue des femmes et de quelques hommes cherchent à faire du geste de Lépine un acte empreint de rationalité, et donc cherche à le soustraire du domaine de la folie pour mieux lui accoler l'étiquette de crime misogyne et anti-féministe. J'ai entendu ce commentaire toute la semaine du 6 décembre, notamment dans la bouche de Francine Pelletier lors de son entrevue à Marie-France Bazzo.
Francine Pelletier ne croit pas en la «maladie mentale» de Marc Lépine: «S'il était un fou, il ne faisait pas partie de la société. Pourtant, son discours n'était pas fou», dit-elle.
On le retrouve, par exemple, dans le commentaire d'une de vos intervenantes:
Catherine Proulx: Mais selon moi, son geste s'apparente plus au terrorisme qu'à une folie meurtrière aléatoire.
Intéressant aussi de mettre en perspective la tuerie de Polytechnique avec celle de Concordia (d'ailleurs aujourd'hui totalement tombée dans l'oubli et absente de tout discours populaire), durant laquelle le professeur Valery Fabrikant assassinait 4 de ses collègues. Lisez tous les commentaires qui ont pu s'écrire sur cette tuerie, et cette fois, c'est le domaine de la folie qui est invoqué presqu'à l'unanimité. C'est le délire paranoïaque de Fabrikant qui explique son geste. Mathieu Beauregard a écrit une analyse sociologique qu'il intitule justement «La folie de Valery Fabrikant». Peut-on être plus clair?
Maintenant, imaginons que Fabrikant ait abattu 4 collègues féminins plutôt que 4 collègues masculins et dîtes-moi si, dans ce contexte, la tuerie de Concordia serait aussi facilement théorisée sous l'angle de la démence et serait aussi rapidement tombée dans l'oubli? Dîtes-moi si le discours féministe ne brandirait pas cette tuerie aujourd'hui comme une «autre» preuve de la haine des hommes envers les femmes?
On base la rhétorique féministe en grande partie sur une interprétation de la lettre de Lépine, où il expose son intention de s'en prendre aux féministes. «Son discours n'était pas fou», affirme ainsi Francine Pelletier, et du coup, Lépine incarne le symbole de la haine culturelle des femmes par les hommes.
Pourtant, la lettre de Lépine est truffée d'expressions qui traduisent sa dérive, son désordre intérieur, son désarroi, sa détresse et son état dépressif, celui d'un homme qui n'a plus le goût de vivre depuis longtemps:
"La vie ne m'apporte plus de joie
je suis totalement blasé
pourquoi persévérer à exister
mes études ne m'ont jamais intéressé sachant mon destin à l'avance
j'ai attendu d'avoir épuisé tout mes moyens financiers…"
Et comment voir le geste de Lépine comme d'abord et avant tout l'expression d'une haine cérébrale, calculée, planifiée contre toutes les femmes quand on lit cet aveu très clair de Lépine sur sa motivation, qui constitue la première phrase du troisième paragraphe:
"Même si l'épitète Tireur Fou va m'être attribué dans les médias, je me considère comme un érudit rationnel que seul la venu de la Faucheuse on amméné à posé des gestes extrèmistes…"
Merde, ce gars-là est en plein état suicidaire, c'est écrit en toute lettre et on s'évertue à en faire le prototype du mal masculin et de la haine mâle contre les femmes.
Excusez-moi d'être le mâle obtus qui manque de sensibilité, mais je ne peux voir autre chose qu'une récupération politique de la tuerie de Polytechnique dans le discours féministe.
En n'étant pas dupe de cette récupération, la seule question à laquelle ce drame nous invite à répondre est alors: pourquoi, lorsque certains hommes se retrouvent en crise existentielle, la solution pour eux consiste-t-elle à exploser dans un excès d'agressivité et pourquoi, dans le cas particulier de Lépine, cette explosion a-t-elle été ciblée?
Lisez ensuite Henri Laborit sur l'inhibition de l'action et l'agressivité, et vous aurez un début de réponse passablement plus éclairant sur le geste de Lépine que ce que véhicule la grande messe féministe du 6 décembre sur la culpabilité universelle du mâle."