Rob: "Si on vivait en Californie, on pourrait jouer dehors chaque jour, au soleil."
Alvy: "Le soleil est mauvais pour la santé. Tout ce que nos parents croyaient bon est mauvais. Le soleil, le lait, la viande rouge, l'école…"
– Scène du film Annie Hall, de Woody Allen.
Dans Woody et les robots (Sleeper), Woody Allen joue le rôle d'un homme qui se réveille en 2173, après avoir été congelé pendant plus de 200 ans. Afin de le remettre sur pied, le savant qui l'a sorti du coma lui conseille de griller une cigarette. "Fumez ça, et prenez bien soin d'inhaler à fond, lui dit-il.
– Je ne fume pas, répond Woody.
– Voyons, c'est du tabac! s'indigne le professeur. On ne peut pas trouver meilleure substance pour la santé."
Cette comédie a été réalisée en 1973, mais lorsqu'on lit les journaux on se demande parfois si elle n'est pas prophétique. En effet, la santé est devenue un sujet brûlant, et tous les jours les médias nous gavent d'études portant sur la nutrition. Or, ces reportages ne font pas toujours la distinction entre les études sérieuses, effectuées par des scientifiques, et les opinions de "spécialistes patentés". Résultat: on ne sait plus qui croire ni quoi manger.
Prenez le cholestérol, par exemple. Il a longtemps été l'ennemi public numéro un. Mais, à en croire certains articles publiés récemment, la communauté scientifique a changé son fusil d'épaule et réhabilité l'affreuse substance. Il y a quelque temps, le Time consacrait sa une aux plus récentes découvertes dans le domaine de la diététique et de l'alimentation. On y mentionnait que, contrairement à ce qu'on avait toujours pensé, les oeufs ne sont pas dommageables pour le coeur, la margarine est aussi nocive pour la santé que le beurre, et la pratique du jardinage est aussi bénéfique pour le système cardiovasculaire que le jogging ou la danse aérobique.
L'autre jour, j'ai feuilleté quelques magazines au hasard. J'y ai appris que l'alcool, autrefois accusé de tous les maux, nous protégerait des crises cardiaques et nous aiderait à rester minces. Que l'eau en bouteille serait aussi polluée (sinon plus) que celle du robinet. Et que le fait de boire trois ou quatre tasses de café par jour réduirait de 40% les risques de formation de calculs rénaux. Qu'est-ce qui est vrai? Qu'est-ce qui est faux? Je l'ignore. Les rubriques santé des journaux ressemblent de plus en plus à des comptoirs de pharmacie. On y trouve autant des médicaments testés en laboratoire que des bonbons vitaminés.
Afin de bien traverser cette mer sans cesse changeante, l'homme de la rue a appris à naviguer: il est devenu un expert en diététique. Les glucides et les gras saturés n'ont plus de secret pour lui, et il ne brandit plus sa fourchette sans avoir consulté son guide Montignac. "La pomme de terre? Mais non, mon cher, tout juste bonne pour les chiens. Quant aux fruits, il faut les manger avant le repas, et non après…" Qu'importe si le diététiste est vivement critiqué par certains spécialistes de l'alimentation: on saute sur chacun de ses bouquins avec avidité. Le guide Montignac pour les femmes, le guide Montignac pour les hommes. À quand la méthode Montignac pour les chiens?
Nous qui nous nourrissions de poutine et de pâté chinois, voici que nous passons nos vendredis soir devant le téléviseur à regarder Josée DiStasio préparer des koulibiacs avec des fines herbes du marché…
Certains se demandent pourquoi on accorde tant d'importance sur la bouffe. Je crois avoir trouvé la réponse.
Il s'agit d'une toute petite phrase anodine, cachée dans Les Particules élémentaires, le livre-événement du Français Michel Houellebecq: "Après quelques années de travail le désir sexuel disparaît, les gens se recentrent sur la gastronomie et les vins."
Pourquoi cette obsession de la bouffe, du gras et des protéines? Tout simplement parce que la population vieillit.
Moins de parties de jambes en l'air, plus de parties d'huîtres. Santé!