Bonne année, les amis. Je suis de retour à Montréal, après deux semaines passées le cul dans le sable, loin des maudites tounes de Noël qui nous cassent les oreilles du 1er novembre au 3 janvier.
Avez-vous vu les photos de la catastrophe qui a frappé les côtes indonisiennes, dans le dernier Paris-Match? Épouvantable. Les plages sont jonchées de cadavres boursoufflés. À côté de ce paysage horrifique, le nanar hollywoodien The Day After Tomorrow ressemble à un cartoon de Donald Duck.
Chaque année, une partie du globe est décimée par un tremblement de terre, un ouragan, une tornade, une épidémie. Mais cette dernière catastrophe semble marquer davantage notre imaginaire. Pourquoi? Parce que nous aurions pu faire partie des victimes. C'est dégueulasse, mais c'est vrai.
Le tsunami n'a pas frappé un village perdu habité par des paysans locaux, mais une station balnéaire hyper populaire, fréquentée par des touristes occidentaux. Du coup, on dirait que c'est plus grave. On se voit, en train de boire un Aku-Aku Coconut, écrasé devant l'océan, des morceaux d'ananas plein la bouche. Et puis soudain, paf, la fin du monde.
Je ne veux pas être démago, mais est-ce possible que si cette catastrophe nous dérange tant, c'est parce qu'elle a AUSSI tué des blancs – des blancs qui prennent leurs vacances à Cuba, en République Dominicaine ou en Thaïlande?
L'Afrique se meurt depuis des années, et personne ne s'offusque outre-mesure. Bon, vous me direz qu'une épidémie qui fait des dizaines de millions de morts en 20 ans, c'est moins spectaculaire qu'un tsunami qui fait 125 000 morts en dix minutes, mais tout de même… Vous croyez vraiment que l'impact aurait été le même si un tremblement de terre avait détruit un village perdu au milieu de l'Inde?
Phuket est une station balnéaire hyper populaire, l'une des plages les plus prisées au monde. On y trouve des bars, des touristes, des hôtels de luxe… On aurait pu y être. En fait, on y était, la ville était remplie de Canadiens, venus là pour se reposer ou s'éclater.
C'est comme Sarajevo. Quand une guerre civile détruit un pays d'Afrique, tout le monde s'en fout. Mais la Yougoslavie, c'était autre chose. C'était un pays européen, habité par des blancs «civilisés», on y trouvait des artères commerciales, des musées, des hôtels. C'était à une heure d'avion de Paris!
Alors que le Rwanda, le Timor oriental ou le Sierra Leone…
Serait-ce possible que nous avons l'horreur sélective? Que nous faisons la différence entre une victime blanche et une victime de couleur, comme nous faisons la différence entre un chat et un boeuf?
Nous aimons le Sud – son ciel ensoleillé, ses plages, ses monnaies dévaluées. Mais le Sud, ce n'est pas que le Paradis, c'est aussi la misère, le choléra, les tremblements de terre, la malaria, les raz de marée. La nature s'est chargée de nous le rappeler.
En tuant quelques milliers d'Occidentaux qui ne faisaient que passer, le temps de recharger leur batterie en admirant le paysage et en profitant des "attractions" locales…
Apocalypse Now
Richard Martineau