Comme prévu, vous êtes nombreux (très nombreux, en fait) à avoir réagi aux propos de Caroline Rodgers sur le salaire des cahuffeurs d'autobus (voir l'entrée précédente de mon blogue).
Je ne peux publier toutes vos réactions, mais en voici quelques-unes, que je juge représentatives des courriels que j'ai reçus depuis hier:
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CARL BERGERON:
«Le point de vue de madame Rodgers point de vue ne tient pas la route. Le problème n'est pas qu'un chauffeur gagne 22$ de l'heure, mais qu'un professeur auquel on demande une formation de haut niveau soit mal rémunéré. Oserait-on contester au professeur les difficultés inhérentes à sa profession? Le "degré de difficulté" y est tout aussi élevé et la tâche de travail, considérable.
Tout cela n'est qu'une façon de détourner le débat de l'enjeu réel: le salaire par rapport à la formation requise. Ce n'est pas normal qu'un poste qui requiert une maîtrise soit moins bien payé qu'un autre dont le critère pour la formation scolaire est le DES. Ça n'enlève rien au mérite des chauffeurs, ça ne veut pas dire qu'ils sont des illettrés, ça veut juste dire qu'on n'est juste pas capable, dans cette société égalitariste de merde, d'admettre qu'enseigner n'a pas la même valeur morale que conduire un bus.
Nom de Dieu, est-ce si difficile à concevoir? Les chauffeurs ne sont pas des illettrés, mais l'attitude générale face aux conditions de travail des professions du domaine de la culture est, en revanche, révélatrice d'une mentalité d'illettrés, d'incultes et d'anti-intellectuels.
Vous chauffez un bus, vous avez des horaires difficiles, vous faites un salaire très correct. Toutes mes félicitations. Voulez-vous une médaille?
Maintenant peut-on se regarder dans les yeux, le matin quand j'embarque dans le bus et que je montre ma carte, sans que vous ressentiez encore un hostie de sentiment d'infériorité?
Peut-on continuer à vivre chacun dans nos domaines, vous avec vos conditions, moi avec les miennes, sans que le premier se sente accusé par les revendications légitimes du second?»
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PIERRE RIVET:
«Je voulais réagir à la lettre de madame Rodgers pour lui dire combien son intervention a mis du baume sur mon coeur.
Je suis moi-même un travailleur qui a affronté les mêmes arguments que madame Rodgers lors de notre grève qui vient de se terminer (je travaille à la SAQ).
Pour avoir fréquenté longtemps l'université, en philosophie et en histoire, en même temps que je travaillais à temps partiel à la SAQ, je peux dire que j'ai rencontré énormément de gens intéressants dans mon travail (des travailleurs n'ayant souvent qu'un secondaire V), et croisé énormément d'imbéciles et de gens tenant un double discours (de gauche en public / réactionnaire en privé) à l'université.
Ayant eu pendant longtemps le cul entre deux chaises (travail / étude), j'ai fini par travailler à temps plein à la SAQ, ce que je ne regrette pas.
Cela donne un conseiller en vin qui peut parler de Spinoza, des romans de Philip Roth, de Fernando Pessoa ou des enregistrements de Bach de Glenn Gould, comme de l'histoire passionnante du vin dans le monde.
Avant le degré d'instruction, il existe une chose qui s'appelle l'intelligence émotionnelle, et il n'y a pas de diplôme pour ça.
Un de mes profs de CEGEP m'avait donné un précieux conseil en apprenant que je voulais étudié en philosophie. Il m'avait conseillé d'apprendre un métier (la plomberie, l'électricité, la menuiserie, peu importe), car je pourrais toujours faire de la philosophie pour moi.
J'ai donc toujours étudié en ayant en tête l'amour de la philo et non la carrière que je pourrais en tirer, et je ne regrette pas ces années d'apprentissages même si je n'ai pas décroché un diplôme universitaire.
Pour terminer, il y a un argument que l'on peut apporter, et c'est celui de l'utilité sociale. Le principe de l'offre et de la demande s'applique dans un choix de carrière. La société a plus besoin de médecins ET de chauffeurs d'autobus, de plombiers, d'enseignants et même de caissiers, que d'anthropologues, de philosophes, de designer, etc. Et les sommes allouées socialement seront donc en conséquence.
Cela peux sembler dommage à certains, mais c'est une réalité…"