JÉRÉMIE DUMAS-FRÉGEAU, inspecteur contrôle qualité:
«J'ai vraiment apprécié le commentaire de Caroline Rodgers. Les titulaires de diplôme universitaire (pas tous) méprisent les gens qui font un travail manuel, comme si on était forcément taré de ne pas avoir de bacc…
L'intelligence ne se mesure pas au nombre de diplômes accrochés au mur. Je ne regrette aucunement d'avoir fait un D.E.P car ainsi, je n'ai pas eu à contracter de prêt étudiant, je suis entré plus rapidement sur le marché du travail et après deux ans, je gagnais plus de 50 000 $. C'est intéressant la philosophie, mais ça ne met pas de pain sur la table…»
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CARL AUDET:
«Madame Rodgers, je concède que le niveau d'étude n'est qu'un facteur parmi tant d'autres qui influencent le niveau de rémunération d'un emploi, et je comprends tout à fait que vous soyez offusquée de certains jugements hâtifs face à votre métier.
Mais de là à dire que les récentes critiques envers les employés de la SAQ provenaient uniquement de l'ignorance d'une élite intellectuelle snob et hautaine, je ne vous suis plus.
J'aimerais bien qu'un un caissier travaillant pour la SAQ nous énumère, comme vous l'avez si bien fait, les facteurs justifiant le fait qu'il gagne un salaire de loin supérieur à la moyenne du marché. J'aimerais qu'il nous explique ce qui le différencie de l'employé d'un club vidéo ou d'une librairie.
Même s'ils ne sont pas responsables de cet état de fait, chaque fois que j'apprends qu'un caissier ou qu'un conducteur de chariot-élévateur qui travaille pour l'État gagne un meilleur salaire qu'un enseignant ou qu'une infirmière, ça me choque. Pas étonnant si je ne fais pas preuve d'autant de "solidarité" lors d'un conflit de travail.»
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FRANÇOIS LAJEUNESSE:
«Tant qu'à comparer l'importance, le risque, les désagréments du métier, je vais vous parler de mon expérience de "livreur d'argent" pour une compagnie de transport bien connue à Montréal.
Saviez-vous qu'il y a encore 3-4 ans, les étudiants engagés durant l'été pour remplacer, étaient payés un maigre 10$/heure?. L'argent ne dort pas, on doit la livrer 24h/24, 7 jours/7, même à Noël, même durant la crise du verglas, donc ce sont des quarts de travail sans arrêts. Non seulement doit-on la livrer, mais on doit aussi la ramasser dans les commerces.
Avez-vous pensé au nombre de clients dans un Costo, un Wal-Mart, un Loblaw ou au Centre Eaton, durant le temps des Fêtes? Avez-vous pensé que les livreurs risquent leur vie avec des sacs remplis de milliers de dollars? Que chacun dans la foule est un suspect qui en veut à votre argent et qui peut cacher un revolver sous son manteau? Durant les années 90, un groupe de voleurs sont entrés au Centre Rockland, mitraillant les livreurs d'argent dans le dos avec des fusils d'assaut semi-automatiques, pour s'emparer des sacs d'argent, laissant les agents touchés comme morts.
Ah oui, il faut un secondaire 5 pour l'emploi. Les plus anciens et là, je parle de 20 ans d'ancienneté, gagnent au maximum 23$/heure. Et ce, dans l'entreprise où j'étais, parce que le compétiteur, il pouvait ne payer que 12$/heure, 2 agents au lieu de 3, dont un seul était armé. Il pouvait soumissionner moins cher aux banques aux profits milliardaires, qui signaient évidemment avec eux.
Maintenant, comparez votre situation de conducteur d'autobus et celle de ces livreurs d'argent. Les deux sont dans le transport, les deux doivent
travailler jours et nuits, les deux ne demandent qu'un secondaire 5.
Et notez que je n'ai même pas pris l'exemple d'infirmières ou de professeurs au secondaire suppléants, qui nécessitent 3 à 4 années d'université (et le prêt étudiant qui vient avec).
Et maintenant, qui a parlé d'intellectuels snobs, de société élitiste? Les gens, madame qui vous ont fait ces commentaires comme quoi ils ont fait des études universitaires et qui gagnent moins qu'un chauffeur d'autobus ont compris une chose: l'important au Québec n'est pas d'avoir fait de longues études pour avoir un excellent salaire, mais bien d'être dans le secteur public où il y a un syndicat à l'importance démesurée.»