Décidément, le débat lancé par Caroline Rodgers vous a touché! Je ne cesse de recevoir des lettres, des courriels, des réponses…
En voici encore quelques-unes.
YVES BOLDUC:
"Je trouve que les propos de madame Rodgers sont vraiment de mauvaise foi.
Encore une fois, l'anti-intellectualisme primaire de la société québécoise vient alimenter un discours populiste qui tend à nier l'importance des formations de hauts niveaux en opposant les gens plus scolarisés à ceux qui le sont moins.
Les intellos par ci, les diplômés par là, je commence à en avoir sérieusement marre de ces attaques contre ceux qui ont consacré plusieurs années de leur vie à apprendre tantôt une profession, tantôt la vie dans un sens plus large et qui tendent à élever le niveau intellectuel de notre pays.
Qu'est-ce que c'est que cette hargne contre des gens qui ont consenti de réels efforts et fait de véritables sacrifices pour se donner les moyens d'occuper des fonctions dont la société a un besoin criant et incontournable! Avez-vous seulement pensé aux pertes financières?
Si un bac prend 3 ans à faire, le diplômé aura, en plus d'avoir accumulé des dettes qui peuvent atteindre plus de 30 000 $, subi une perte de salaire d'au moins 90 000 $. Si vous savez compter, ça fait un déficit de 120 000 $.
C'est le montant qu'aura investi le futur prof ou la future infirnière pour se donner le droit de travailler dans un domaine qu'ils ont choisi, certes, mais qui n'en est pas moins utile et exigeant. Ne sont-ils pas en droit de s'attendre à un retour raisonnable sur leur investissement?
Tous n'ont pas un diplôme en sociologie ou en anthropologie. Et même là, oseriez-vous affirmer que ces professions n'ont pas leur place dans notre société? Si vous le faisiez, vous feriez preuve d'une mauvaise foi crasse qui tendrait à démontrer que c'est votre complexe d'infériorité, votre jalousie et votre frustration qui dictent vos paroles plutôt que l'intelligence à laquelle on serait en droit de s'attendre de la part d'une personne qui dit faire son deuxième bac.
Qu'un chauffeur d'autobus ait des responsabilités et qu'il soit rémunéré en conséquence, je n'ai rien contre. Qu'un col bleu puisse bien gagner sa vie, ça non plus je n'ai rien contre.
Ce qui me dérange dans le discours de ces groupes de travailleurs très bien syndiqués, c'est ce mépris qu'ils ont toujours pour les gens qui ne manient pas la pelle ou le volant et qui travaillent dans des bureaux, des hôpitaux ou des écoles.
Y'en a marre d'entendre des gens qui prennent trop souvent les payeurs de taxes pour des imbéciles et qui se comportent de manière égoïte et irrespectueuse!
Quand votre passager vous a demandé ce que vous lisiez, plutôt que de lui répondre correctement, ce qui aurait probablement contribué à améliorer l'image que nous avons de votre métier, vous vous êtes foutu de sa gueule.
Bravo! Pour moi, ça démontre très bien comment vous nous traitez.
Et c'est ça, moi, qui me dérange. Beaucoup plus que votre 5e année ou votre maîtrise. Savoir vivre ne s'apprend pas à l'école. Mais certains de votre profession gagneraient à suivre des cours du soir.
Et faites pas chier avec vos horaires. Je travaille souvent plus de 10 heures par jour. Parfois 12 ou 14 quand les réunions le soir se prolongent.
Et j'ai un bac, 25 ans d'expérience et je gagne moins que vous.
Jusqu'à présent, ça ne m'a jamais dérangé. Mais là vous êtes sérieusement en train de me convaincre que ça devrait."
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T. P.:
"Bizarre, ce qu'on voit sur votre site. Les gens remarquent qu'une infirmière (par exemple) est payée moins qu'un travailleur manuel (par exemple).
Est-ce qu'ils disent: "C'est injuste, il faut monter les salaires
des infirmières"? Non.
Ils disent: "Baissez les salaires des travailleurs manuels !"
Ça ressemble plus à de la jalousie qu'à un sens de la justice. C'est comme les B.S.: on remarque qu'ils font presque autant d'argent qu'une personne qui a une mcJob, et tout ce qu'on trouve à dire, c'est qu'on devrait leur donner moins d'argent, plutôt que de dénoncer les salaires de misère des mcJobs!"
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GABRIELLE THOM-GADBOIS:
"À lire les réactions face à la lettre de madame Rodgers, j'en viens à me demander si le débat repose bien sur la corrélation du salaire et de l'éducation, et pas plutôt sur la polémique du syndicalisme…
Peut-être est-ce la trop récente grève de la SAQ qui reste encore en travers de la gorge des Québécois, pourtant, je ne peux rester passivement silencieuse face à autant de JALOUSIE.
Je travaille dans un syndicat (non, ce n'est pas la CSN), et toute ma vie, je me suis intéressée à la cause des travailleurs, manuels et professionnels.
Combien de flèches tirées à l'endroit des syndiqué(e)s qui gagnent de bons salaires et qui réquisitionnent leur droit à l'épanouissement toujours plus grand de leur vie professionnelle!
Pourquoi? Ne sommes nous pas tous à la recherche des meilleures conditions possibles?
Tant mieux si un commis à la SAQ ou un chauffeur d'autobus empoche un chèque de paie volumineux! Pourquoi toujours ramener au sempiternel pleurnichage: "Oui mais moi, j'ai un diplôme et je gagne moins!"?
Pourquoi niveler vers le bas les conditions que l'on jalouse chez des groupes que l'on juge moins méritants (et pour des raisons fichtrement stupides!)?
Pourquoi ne pas voir ces décalages salariaux comme des occasions en or pour propulser nos propres conditions de travail? Parce que nous sommes paresseux, peureux, orgueilleux… ou jaloux, tout simplement?"