ANNE-SOPHIE ROY:
"J'ai un commentaire à formuler sur le sujet des indemnisations aux juifs, aux Noirs, aux femmes…
Je suis une femme de vingt ans. Peut-être que mes ancêtres ont été persécutées, victimes de sexisme, battues, sous-payées, traitées d'hystériques, condamnées aux travaux ménagers, peut-être qu'on les a empêchées d'aller à l'université, de se marier avec l'homme de leur choix. Mais moi, personnellement, est-ce que j'en souffre vraiment?
Bien que je trouve toutes ces situations fort déplorables, je ne me sentirais certainement pas mieux si on me donnait une compensation en argent. Ce n'est pas moi qui ai subit ces torts. Je n'y suis pas insensible, mais je ne vois pas pourquoi on me verserait de l'argent pour réparer ce qui a été fait à d'autres.
Par conséquent, même si ce n'est pas politically correct, je ne vois pas pourquoi on verserait de l'argent à des gens dont les arrières-grands-parents ont été victimes de l'esclavage ou de l'holocauste. Aux personnes directement touchées par ces drames, qui les ont vécus eux-mêmes, oui, bien sûr, pourquoi pas? L'argent est devenu le moyen de tout réparer aujourd'hui de toute façon.
Mais aux petits-enfants qui n'ont jamais vu l'ombre d'un esclave ou d'un nazi? Voyons donc. Ce n'est pas à eux de capitaliser sur le malheur de leurs ancêtres! Ça, ce serait vraiment politically INcorrect!"
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CHANTAL ROUSSEL:
"Le pardon est une chose, la compensation financière en est une autre. C'est sain pour une société de reconnaître officiellement les torts causés à un groupe, car il ne faut pas occulter le passé et renier les actes de violence qui ont été commis.
Comme Acadienne, je peux dire que la proclamation royale qui reconnaît les torts causés à mes ancêtres a été bien accueillie par la communauté, mais par les anglos aussi. Au Nouveau-Brunswick, les Acadiens se sont organisés et travaillent fort pour s'émanciper malgré leur sombre histoire.
Et les anglos, de leurs côtés, ne savent plus comment vivre leur identité. Il faut dire que leur étiquette d'oppresseur est difficile à porter. Ce n'est pas eux qui ont déporté les Acadiens, mais d'une certaine façon, ils sentent qu'ils doivent rester dans leur coin en punition pour réfléchir aux conséquences des actes irréparables qui ont été commis.
Reconnaître le passé et demander pardon, certes, mais renverser la situation, impossible. Comme dans tous les cas, il faut reconnaître que c'est l'irréparable qui a été commis et qu'en aucune façon il sera possible de changer ce qui a déjà été fait.
Une compensation financière, c'est un peu tenter de renverser la situation. C'est une vengeance cachée sous un manteau de courtoisie ultime. Et la vengeance perpétue les cycles de violence."