Ce matin, je suis allé voir Unleashed, un long métrage écrit et produit par Luc Besson. Un film hyper violent et hyper sanguinaire… Comme la plupart des films qui sortent sur les écrans ces temps-ci.
On a vraiment l'impression que la violence est la nouvelle porno, non?
Prenez Kingpin, par exemple. L'action de ce jeu vidéo hyper réaliste se déroule dans un ghetto crasseux, la nuit. Le "héros" (qui s'exprime à coups de "Piss off", de "Fuck you" et de "Fucking piece of shit") vient de se faire battre par un gang ennemi et cherche à se venger. Votre mission: voler le maximum de fric, vous acheter des armes offensives (barres de métal, revolvers, fusils, grenades, lance-flammes, lance-roquettes) et couper les bras, les jambes ou la tête de vos ennemis.
Comme l'affirme fièrement la pub: "Vous pouvez trancher le membre qui vous plaît et voir clairement les dommages que vous avez causés, même les trous de balles!"
Vous restez sur votre faim? Alors ouvrez votre ordinateur et surfez dans Internet: vous y trouverez plusieurs sites consacrés aux crashs d'avions. The Ultimate Crash Site, par exemple, est un véritable Club Price de l'horreur. Il vous permet de télécharger des images vidéo des plus terribles catastrophes aériennes, vous informe sur les plus récents écrasements et vous fait entendre les appels à l'aide lancés par les pilotes avant que leur appareil s'écrase, tuant tout le monde à bord. Pour vous faciliter la tâche, on a classé l'information par vols: le vol 191 de Delta Air Lines, le vol 90 d'Air Florida, le vol 592 de ValueJet, le vol 800 de TWA…
Quand j'avais 13 ou 14 ans, je volais des Penthouse dans les dépanneurs et je les feuilletais en cachette dans le sous-sol avec mes amis. Comme tous les garçons de mon âge, je voulais voir ce que la société me cachait: le sexe des filles.
Aujourd'hui, le sexe est partout: dans les pubs, à la télé, au cinéma. La vue d'un sein ne scandalise plus personne. Si ça continue, ça nous laissera bientôt complètement froids. Le sexe est en train de perdre tous ses mystères et de devenir banal, aseptisé, totalement vidé de son pouvoir de transgression…
Maintenant, le nouvel interdit, c'est la mort. Dans un monde obsédé par la performance, la bonne forme physique et la promesse de l'éternelle jeunesse, la mort et la décrépitude du corps font figure de nouveaux tabous.
Comme l'écrivait l'historien français Philippe Ariès dans Histoire de la mort en Occident, un essai passionnant sur notre relation avec la mort, avant, les bébés venaient au monde dans les choux, mais les grands-parents mouraient à la maison, entourés des leurs.
Aujourd'hui, c'est l'inverse: l'accouchement se fait en famille ou devant la caméra vidéo, mais lorsque le grand-père agonise, on l'envoie dans un hôpital éloigné pour qu'il s'éteigne en douceur, à l'abri des regards indiscrets…
Ce n'est plus le commencement de la vie qu'on escamote, mais sa fin.
Résultat: notre monde est fasciné par les catastrophes. On ne compte plus le nombre d'émissions vérité spécialisées dans les accidents, les déluges et les tremblements de terre: Catastrophes, Caméra choc, Vie et mort à l'urgence, Great Quakes, The World's Greatest Police Chases…
En 2005, il n'y a que les vieux oncles nostalgiques qui lisent Penthouse ou Hustler. La nouvelle pornographie fait maintenant dans le sang. Les jeunes ne se vissent plus l'oeil au trou de la serrure pour entrevoir des hanches et des fesses, mais pour voir de la chair et des os. Nous "tripons" tellement sur la beauté et la santé, nous avons tellement expurgé la mort de notre vie que nous avons fini par la rendre attirante, sexy, mystérieuse. Elle est la dernière frontière à franchir, le dernier secret à percer.
La dernière jupe à relever.