BloguesRichard Martineau

Il faut savoir quitter la table… (Air connu)

Après Madame Bertrand…. (voir plus bas), YVES BOLDUC continue sa réflexion sur les boomers qui s'accrochent et ne veulent plus partir. Son texte est long, mais mérite amplement que je le publie in extenso.
Le voici (il est en 2 parties):
_______

PREMIÈRE PARTIE:

"Bernard Landry a tiré sa révérence. Il a compris, plus rapidement que d'autres, que rien ne sert de s'accrocher quand on a fait son temps. On a dit qu'il était courageux de faire ce qu'il a fait. Comment ça courageux? C'est pas du courage, c'est de la lucidité bordel. Cette lucidité même qui lui a permis de faire une aussi longue et belle carrière en politique. Cette lucidité qu'il ne faut pas attendre d'avoir perdue avant de quitter l'avant-scène, quand on y a été assez longtemps.

Partir, quand on a fait cent fois le tour du jardin, ce n'est pas un choix. C'est une nécéssité. Landry devait partir, il est parti. Fin des émissions.

Il n'y a rien à redire sinon que certaines anciennes vedettes de la télé devraient suivre son exemple et laisser la place quand elles s'apperçoivent qu'elles on fait leur temps. Je veux bien que les artistes puissent viellir en continuant de partiquer leur métier s'ils le veulent et surtout s'ils le peuvent. Mais on ne doit pas leur donner un laissez-passer gratuit pour les ondes juste parce qu'ils on déjà été bons. Ils doivent l'être encore. Comme tous ceux qui aspirent à un temps d'antenne. Ils doivent être les meilleurs. C'est ça qui est la loi de ce marché là et à moins qu'on en change les règles, je trouve totalement injustifiés ces larmoiements sur le sort des gens qui se retrouvent à la retraite, parfois malgré eux. S'ils ont eu une belle carrière, c'est qu'ils ont été privilégiés. Que d'autres le soient maintenant, est-ce si malsain?

Sylvie Léonard peut se plaindre tant qu'elle veut qu'il y a moins de travail pour les actrices de son âge. Elle se plaint trop vite. Quelle âge elle a au juste? C'est peut-être un creux de vague dans son cas. Elle a quand même travaillé dans une série à succès il n'y a pas si longtemps. Elle est pas finie tout de même. Il lui reste encore de très beaux rôles à jouer. Elle est drôlement insécure…

Et puis les Boomers à la retraite vont certainement vouloir écrire des histoires pour eux. Narcissiques comme ils ont toujours été, ils vont vouloir continuer de se voir à la télé et au cinéma. Ils vont vouloir montrer ce qu'ils sont, être encore sous les projecteurs. C'est qu'on n'y échappera pas. Ça va arriver…C'est en train d'arriver.

Puis-je seulement espérer qu'on n'en viendra pas à une télé fixée sur le passé ou le présent mais qui continuera de regarder vers le futur, de créer l'avenir en maintenant un niveau d'excellence qu'on ne peut sacrifier sur l'autel du vieillissement de la population (et des artistes)."
______

DEUXIÈME PARTIE:

"Puisque le débat est lancé, voici encore quelques suites de cette réflexion polémique. Bien entendu, nous savons, vous et moi l'aspect assez pointu de ce raisonnement qui peut facilement tendre au ségrégationisme envers les personnes âgées qui sont encore valides et qui ont certainement encore un rôle à jouer dans notre société vieillissante. Mais je vais nous amener au bord de cette clôture sans la franchir. C'est un exercice et rien d'autre.

Je veux qu'on débate, qu'on réfléchisse. Je n'ai pas la vérité mais je veux qu'elle émerge. Mon angle est volontairement provocateur.

Il y a bien des façons de voir la chose. Si on suit la logique que les médias sont condamnés à vivre de l'excellence et de la créativité, il faudra toujours qu'ils se renouvellent tout en conservant un haut standard de qualité. Or, il s'agit là d'un équilibre qu'il faut rechercher.

La créativité, la nouveauté, le goût du risque se retrouvent plus souvent dans la jeunesse, alors que l'expérience, le rafinement, la maturité se retrouvent plus souvent chez les personnes plus âgées.

Mais jusqu'où l'âge est-il un facteur de sagesse et de mûrissement. Et quelle dose de cette maturité et de cette sagesse peut-on ingurgiter sans compromettre le regard neuf qui seul peut nous amener à nous dépasser, nous entraîner vers d'autres lieux encore inexplorés?

J'ai peur du jour, où comme les enfants qui répettent sans cesse "j'veux le faire, j'suis capable", nous serons des viellards qui radoteront "J'veux encore le faire, j'suis encore capable". C'est là qu'on en est mes amis.

Compagnons boomers, sachons nous retirer dignement. Partir n'est pas un geste d'abandon. Ce n'est pas la fuite non plus. C'est passer le flambeau, pas parce qu'on n'a plus rien à dire, mais parce qu'il faut bien un jour arrêter de parler pour écouter. Arrêter de faire pour évaluer, apprécier. Et que c'est dans le silence et le retrait que la sagesse s'exprime le mieux.

Dans quelques années, notre rôle d'aîné ne sera pas de continuer de faire ce qu'on a toujours fait. Ce sera de montrer aux jeunes une autre partie de la vie que celle liée au travail. Ce sera difficile parce que notre génération a tout investi dans la carrière. Que restera-il de nous, une fois ça disparu?"