Les gens disent qu'il ne faut pas établir un système de santé à deux vitesses au Québec. Or, ce système existe déjà bel et bien, et ce, depuis fort longtemps.
Prenez les cliniques spécialisées dans les bilans de santé, par exemple.
Tous les médecins l'affirment: l'un des facteurs les plus importants dans la lutte contre la maladie, c'est la rapidité d'intervention. Diagnostiquer le mal le plus tôt possible. Plus vous attendez, plus vous éprouverez des difficultés à combattre la maladie qui vous ronge.
Or, pour avoir un bilan de santé complet, au Québec, il faut du temps, beaucoup de temps. Voir un omnipraticien, consulter une batterie de spécialistes, prendre rendez-vous, attendre pour passer ses tests, attendre pour recevoir les résultats… Le cancer a le temps de vous bouffer une partie de l'intestin.
Mais si vous avez du fric, vous pouvez lutter contre la montre et contourner les listes d'attente.
À la Place Ville-Marie et au Sanctuaire, entre autres, on trouve des cliniques privées hyper efficaces capables de vous faire un bilan de santé en moins de deux. En un avant-midi, les employés oeuvrant dans ces cliniques peuvent réaliser des tests qui nécessiteraient normalement entre 12 et 15 rendez-vous avec des médecins différents. Et pas seulement des analyses de sang ou d'urine, non: des tests de dépistage de la prostate, des tests de l'ouïe et de la vue, des tests de dépistage du cancer du colon, des électrocardiogrammes, des tests de VIH, des tests de la glande thyroïde, des échographies, des radiologies, des tests des fonctions pulmonaires, des rectosigmoïdoscopies… Bref, on vous analyse de la tête aux pieds.
Dans certaines de ces cliniques, on vous fait un rapport préliminaire verbal la même journée, et on vous communique les résultats des tests de laboratoire dans les 48 heures. Ça, c'est de la médecine à haute vitesse!
Mais il faut y mettre le prix: entre 600 et 850 dollars pour un bilan de santé complet.
Joe Blow peut-il se permettre de tels tests? Non. Alors il attend. Et il se croise les doigts, en espérant que la bosse qu'il a sur le ventre n'est pas dangereuse…
Sur le site Internet d'une de ces cliniques, on peut lire que 'les gens d'affaires ont un agenda trop chargé pour attendre'. Et les autres citoyens, alors?
Cessez de dire que le jugement de la Cour suprême va ouvrir la porte à un système de santé à deux vitesses.
La porte, elle est ouverte depuis longtemps.