Un long courriel de NADIA H, toujours concernant mon texte sur le racisme à l'envers. Décidément…
"Monsieur Martineau, je dois vous dire que j'ai été assez choquée par vos commentaires par rapport au Livre des notables et des professionnels de la communauté noire du Québec (voir Noirs demandés).
Quand on est jeune et qu'on se forge une identité propre, il est normal de rechercher des "idoles" qui nous ressemblent un peu, que ce soit à cause de la couleur de leur peau ou d'une autre de leurs caractéristiques. Il est bien connu qu'une des principales causes de toutes les difficultés vécues par les garçons Noirs en Amérique est le manque de modèles positifs à leur disposition…
Souvent, ils vivent seuls avec leur mère, sans père auquel ils peuvent s'identifier. De plus, il y a très peu d'enseignants Noirs dans les écoles. Résultat: les seuls modèles qu'ils ont sont les vedettes américaines du genre "50 cents", qui projettent l'image que les Noirs sont faits pour la rue et non pour les études, que c'est "cool" pour une Noir de jouer les gangsters, de vendre de la drogue, de se promener armé jusqu'au dent, dans son beau "char" modifié, avec au moins une belle "pitoune" à son bras.
J'ai lu dans divers essais sur le sujet qu'une des solutions proposées pour remédier au problèmes vécus par les jeunes Noirs (les taux d'incarcération, de décrochage scolaire et de divorce des hommes Noirs sont très élevés par rapport à ceux des Blancs) était justement de promouvoir et de rendre public le succès des Noirs qui ont réussi dans leur vie. Je ne vois pas ce qu'il y a de mal à ça.
Les minorités ethniques sont déjà largement sous-représentées dans les médias Québécois, que voulez-vous de plus? Enfermer les supporters de l'équipe de foot italienne, si fiers de leur patrie? Détruire les musées juifs, autochtones, alouette? Empêcher les jeunes de parler créole dans l'autobus ou à la cafétéria? Faire comme en France, interdire à une jeune fille de porter un "bandana" sur la tête, sous prétexte que c'est un est signe religieux?
Célébrer la différence, n'est-ce pas la base même du Bloc? "Parce qu'on est différents", ce n'est pas ce que Duceppe crie à qui veut l'entendre? Devrait-on arrêter de fêter la Saint-Jean Baptiste, interdire les vignettes du drapeau Québécois qu'on voit de plus en plus sur les sacs d'école des étudiants? Après tout, être fier d'être Québécois, c'est commettre le péché mortel qu'est celui de "célébrer la différence", non?
Vous écrivez: "Les membres des minorités ne veulent plus s'intégrer; ils veulent se distinguer et rester entre eux. À chacun sa tribu. À chacun son clan."
Franchement, c'est très cruel et injuste d'écrire ça. Vous vous basez sur quelques observations très pointues et les généralisez à l'ensemble de la population. C'est à se demander si vous savez même ce qu'est la définition d'intégration.
N'avez-vous pas remarqué que les immigrants donnent de plus à leurs enfants des prénoms occidentaux? Ils sont prêts à sacrifier une partie de leur culture pour que leurs enfants soient heureux et acceptés dans notre société, qu'ils aient moins de difficultés à se décrocher un emploi. Ce n'est qu'un exemple de changement social parmi tant d'autres.
Saviez-vous qu'un diplômé universitaire de race noire a les mêmes probabilités de trouver un emploi qu'un Blanc qui n'a pas complété ses études secondaires; qu'à Montréal, le taux de chômage des Noirs de 25 à 44 ans est deux fois plus élevé que celui de l'ensemble des Montréalais; que, selon le recensement de 2001 de Statistiques Canada, le taux de chômage des immigrants récents est deux fois supérieur à celui des Canadiens de naissance?
Si les gens faisant partie de groupes minoritaires sentent le besoin de se regrouper, de publier des bottins des professionnels de leur "ethnie", c'est peut-être pour s'entraider, se donner du boulot entre eux, faciliter leurs recherches d'emploi.
D'une manière ou d'une autre, la situation n'est pas aussi alarmante que vous l'insinuez, il n'y a aucun ghetto à Montréal ou au Québec, contrairement à ce qui se passe chez nos voisins du Sud ou nos cousins Européens, n'est-ce pas un autre signe d'intégration?"