BloguesRichard Martineau

Live 8 et la dette

Il y a quelques jours, des artistes richissimes se sont donnés rendez-vous pour demander aux chefs du G8 d'effacer la dette des pays du Tiers-Monde.

Plusieurs personnes se sont alors posé une question: pourquoi effacer les dettes de ces pays? Les gens de Visa effacent-ils ma dette lorsque je grimpe ma carte de crédit à son maximum? Non. Pour la simple et bonne raison que je suis responsable. De mes bons coups, comme de mes mauvais coups!

Si je me mets dans le trou, j'assume.

Or, c'est justement le problème avec les pays du Tiers-Monde. Ils ne sont pas toujours responsables de leurs dettes.

Prenez l'Irak, par exemple. L'Irak devait une somme considérable à l'Union soviétique. Or, le régime de Saddam Hussein a été renversé. L'Union soviétique devrait-elle effacer cette dette, ou est-elle en droit de demander aux Irakiens de se serrer la ceinture pour les 50 prochaines années afin de payer les dettes contractées par leur ancien dictateur?

Les États-Unis, on le sait, n'annulent pas les dettes des dictatures. Le dictateur bolivien Hugo Banzer Suarez et le dictateur chilien Augusto Pinochet, par exemple, ont tous deux emprunté beaucoup d'argent aux États-Unis (sans jamais demander la permission à leurs électeurs). Or, lorsque leur régime est tombé, les USA n'ont pas passé l'éponge. Ils ont demandé aux nouveaux gouvernements de la Bolivie et du Chili de respecter leurs vieilles dettes et d'effectuer leurs paiements aux dates prévues. Même si, pour cela, ils devaient lourdement hypothéquer les générations futures.

La question, on le voit, est éminemment complexe.

Pour mieux la mettre en perspective, transposons-la sur un plan personnel.

Votre père est complètement fou. Il veut transformer sa maison en château rococo, et rêve de se faire installer un système de sécurité valant des dizaines de milliers de dollars. Pour réaliser ses fantasmes, il emprunte 300 000 $ à la banque. Mais, un an plus tard, le bonhomme pète un anévrisme, et passe l'arme à gauche. Devez-vous rembourser la somme qu'il a empruntée de son vivant, même s'il n'avait visiblement pas toute sa tête? Êtes-vous responsable des actes qu'il a commis sous l'emprise de la folie?

Peut-on demander aux Irakiens (ou aux Roumains, ou aux Haïtiens, ou aux Russes) de payer pour les dépenses capotées effectuées par leurs ex-dictateurs – dépenses, soulignons-le, qui n'ont jamais été approuvées par aucun représentant du peuple?

D'un autre côté, une dette, c'est une dette. Si tout le monde commençait à vouloir effacer ses dettes et à passer l'éponge sur son ardoise, la machine s'enrayerait.

Alors je vous pose la question: les pays démocratiques devraient-ils effacer les dettes colossales contractées par les régimes dictatoriaux? Ou participe-t-on à déresponsabiliser ces pays en agissant de la sorte?

J'attends vos réponses.

Cela dit, on peut aussi poser la question sous un autre angle, tout aussi intéressant, sinon plus.

Est-ce éthique de prêter de l'argent à un dictateur, alors qu'on sait fort bien qu'il utilisera cette somme pour se construire des milliers de statues en marbre à son effigie? Devrait-on interdire ce genre de transactions financières?

Si l'on fait une enquête de crédit chaque fois qu'un simple citoyen effectue une demande d'emprunt pour réparer son cabanon, pourquoi n'agirait-on pas de la sorte pour des leaders politiques?

Je pose la question. À vous d'y répondre.